Magie complémentaire

Pois chiche

Lorsque Severus reçut un message non signé lui enjoignant de se trouver à Pré au Lard le soir même, il grogna, agacé, devinant immédiatement qui le lui envoyait. Son espion.

Qu'il le contacte indiquait qu'il était en vie, et libre de ses mouvements. Mais il avait peur que Lucius n'ait pris des risques inconsidérés.

Il fut nerveux de la réception du message jusqu'à l'heure du rendez-vous. Il n'oubliait pas les mots de son ami, qui lui avait assuré avec aplomb qu'ils se reverraient quand il aurait l'horcruxe en possession de Dolorès Ombrage.

Il arriva à la cabane hurlante avec un peu d'avance, et il ne put s'empêcher de frissonner devant l'endroit lugubre. Il n'oubliait pas les souvenirs qu'il avait de cet endroit, de la façon dont il aurait pu mourir à cause d'une plaisanterie idiote.

Lucius était légèrement en retard et Severus sentit son cœur battre à toute vitesse, alors qu'il imaginait déjà le pire. Lui aussi avait été un espion, mais il n'avait pas eu d'attaches. Lucius avait une femme et un fils.

L'étau qui enserrait sa poitrine ne se desserra qu'une fois son ami face à lui. Lucius avait un demi sourire fier, et Severus nota qu'il s'agissait du même sourire que celui de Drago. Le fameux sourire qui lui indiquait que son cher filleul venait de jouer un mauvais tour à Potter, provoquant le plus souvent une explosion de chaudron.

Severus lui servit son regard noir le plus impressionnant, celui qui faisait trembler des générations d'élèves depuis qu'il était professeur. Mais Lucius, haussa un sourcil, ne semblant pas le moins du monde perturbé. Comme Drago.

Le maître des potions souffla brusquement.

- Qu'est-ce que tu voulais Lucius ?

Ce dernier ne répondit pas, mais il sortit de sa poche un objet et d'un coup le médaillon de Serpentard, chargé de magie noire se balança au bout de la chaîne qu'il tenait en main.

Severus plissa les yeux et son regard navigua de l'objet à Lucius. Puis, d'une voix froide et coupante, il ne put s'empêcher de lui dire ce qu'il avait sur le cœur.

- Tu as un pois chiche dans le crâne ou quoi ? Qu'est-ce qui t'as pris ?

Lucius étira ses lèvres en un sourire amusé, et d'un coup il parut bien plus jeune qu'il ne l'était. C'était un rappel du Lucius d'autrefois, avant qu'il ne prenne un air impassible et glacial en bannissant les sentiments de son visage.

- Je t'avais dit que je l'aurais.

- Lucius... Si Ombrage...

- Elle ne posera plus aucun problème.

Severus s'immobilisa et le dévisagea d'un air interrogateur.

- Comment ça ?

L'aristocrate haussa les épaules d'un air indifférent.

- J'avais prévenu que je ne supportais plus ses minauderies à mon encontre. J'ai donc... résolu deux problèmes. Le mien. Et le tien. Je suis définitivement tranquille et toi... tu obtiens l'objet dont tu as besoin.

Severus secoua la tête, furieux. Alors qu'il demandait à Lucius de ne pas attirer l'attention, ce dernier se trouvait soudain une âme de Gryffondor pour agir impulsivement sans réfléchir.

Lucius reprit son sérieux.

- Ne commet pas l'erreur de me sous-estimer, Severus. Je suis parfaitement apte à me défendre et à faire mes propres choix. Je sais que tu as été espion avant moi, pendant de nombreuses années. Mais... Mais finalement, je ne m'en sors pas si mal, n'est-ce-pas ?

- Penses-tu à ta famille, Lucius ? Je risquais ma vie, et personne ne dépend de moi ! Tu as une femme et un fils !

Les yeux de Lucius brillèrent de rage et il se détourna pour aller et venir, le médaillon de Serpentard se balançant au bout de ses doigts. Les dernières lueurs du jour se reflétaient dans le bijou, envoyant des prismes de lumière autour d'eux.

Le spectacle aurait pu être plaisant, mais l'objet suintait tellement la magie noire que c'était angoissant.

Finalement, Lucius sembla reprendre ses esprits et se planta devant Severus.

- Justement j'y pense ! C'est pour ma famille que je fais ça ! C'est pour eux que je prends des risques. Ils ne seront pas en sécurité tant que toute cette folie ne sera pas terminée.

- Ta mort les mettrait tout autant en danger ! Nous avons besoin de ton aide quoi que tu puisses en penser !

Severus leva les bras au ciel, avant de se détourner. Lucius s'approcha et lui mit l'horcruxe entre les mains.

- Cette guerre doit prendre fin. Au plus vite Severus.

Le maître des potions hocha la tête, vidé de toute énergie. Lucius avait pris un risque, mais ils avaient un horcruxe de plus. Après tout, ils avaient fait un pas de plus vers la victoire.

- Merci Lucius. Tu n'as pas conscience à quel point c'est important.

L'aristocrate accepta ses remerciements d'un hochement de tête. Il se frotta les yeux d'un geste las.

- Y'a t'il d'autres services que je puisse rendre pour accélérer les choses ?

Si l'enjeu n'avait pas été aussi grave, Severus aurait probablement plaisanté sur l'empressement de Lucius. Il lui aurait demandé s'il brûlait à ce point de retrouver Narcissa. Au lieu de quoi, il haussa les épaules et se résolut à montrer à l'homme qu'il lui faisait réellement confiance.

- Le serpent. Il est... lui aussi empli de Magie Noire. Nous avons prévu de le garder pour la fin puisqu'il est tout le temps aux côtés de son Maître.

Lucius hocha la tête d'un air sérieux.

- Effectivement, il ne quitte pas des yeux ce fichu reptile. Mais si je me trouve face à une opportunité, je la saisirai.

Ils échangèrent un long regard, et bien qu'ils soient amis depuis longtemps, ce fut probablement la première fois où ils purent se comprendre parfaitement. Celui qui avait été espion pour son amour perdu, et celui qui était devenu espion pour protéger sa femme adorée.

Les reproches que Severus avait fait à Lucius lui semblèrent d'un coup terriblement faux. Il se rendit compte qu'il aurait pris tous les risques pour Lily. Pour la sauver, pour la protéger. Et pourtant, elle n'avait jamais été à lui.

Il lui avait offert son cœur lorsqu'ils étaient enfants, et lorsqu'il avait pris conscience qu'elle risquait d'être tuée, il avait offert sa vie entière. Parce que Lily était celle qu'il avait choisi, à jamais.

Lucius avait choisi Narcissa, et il ne pouvait pas le lui reprocher. Il pouvait juste l'aider au mieux et lui promettre de protéger sa famille, quoi qu'il arrive.