Chapitre 30B:Des champs de fraises pour toujours.

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Et pourtant nous ne savions,géographie oblige,rien de celle qui faisait rage en Europe.Non,ce qui nous concernait c'était notre combat  à nous,celui qui était circonscrit à notre camp de travail.Nous ne savions rien de ce que faisaient les anglais,les américains,les allemands,cela nous semblait au bout du monde.Nous ne nous battions pas pour un pays mais pour des vies.Une vie que j'ai failli perdre,un de ces jours.

On était parti creuser sur une berge,au bord d'un lac empoisonné dans lequel ils pouvaient nous jeter à tout moment.Le ciel était noir,et nous agitions toujours nos pelles,afin de creuser comme on nous l'avez demandé.Chaque mot,chaque regard que nous échangions lors de cette soirée de travail pouvaient nous valoir d'être fracassés contre ces rochers.Arrivé à notre hauteur,l'un des officiers nous regarda avec cet air suffisant,celui qui demandait ce qu'on lui voulait encore,et au moment où je m'y attendais le moins,ils nous demandèrent de mettre les mains sur la tête.Le souffle de cet ordre balaya mes oreilles en une large onde d'éléctrochocs.Dans les yeux de Lavra je voyais toute l'incompréhension du monde,elle serra une main de maman qui serra son autre main.

Je ne voulais pas mourir à 15 ans.

-Lavra,je t'aime,commença maladroitement Maman,Lana,je t'aime

-Pourquoi tu me dis ça maintenant c'est quoi le souci?

BANG!

Ainsi donc c'est bien ce que je croyais.Oui,j'avais eu raison d'imaginer le pire à propos de cet homme là.Et il y avait ce garçon,cet homme qui n'était pas là.Pourquoi?Pourquoi suis-tombée amoureuse d'un garçon si inaccessible,si mystérieux,qui pouvait à tout moment se révéler comme travaillant pour les soviétiques?La culpabilité et la peine à l'idée de mourir si jeune en laissant ma soeur seule me perçait le coeur déjà rompu.La pression relâchait déjà...quand soudain...

BANG!

L'officier riait comme un déman,et je n'avais qu'une envie:le frapper avec toute la force que j'avais.Je ne perçus pas les tremblements du petit corps de ma mère,ni les grognements de ces hommes qui faisaient pleuvoir des quantités de terre sèche sur nous.Notre documentaliste récitait des prières,et je sentis soudain une main s'abattre sur moi en même temps que cette terre qui nous rougissait les yeux.

-Lana,murmura Lavra,excitée.

-Voyons voir si on ne peut pas alourdir leur peine...se demandait en explosant de rire le commandant.

Il eut un toussotement rauque et attrapa Madame Grimas,la jeta à terre et la chevaucha presque,ce qui mit tout mes bourgeons de haine en éclosion.Se passait-il vraiment tout cela?Avais-je à l'époque déjà le courage de réaliser ce qui m'arrivait?

Car soudain tout cessa,alors que j'étais presque enterrée vivante dans un sol sec et qui s'enlise.

-Oh mes filles...réussit à bredouiller ma mère en pressant ses lèvres contre nos fronts sales.Elle referma ses mains autour de ma tête,dans un geste symbolique et fort,comme pour m'éloigner du reste et me protéger.Elle se releva dignement et essuya son visage rouge de colère et humide de sueur.

-C'est vraiment un très très vilain monsieur,fit Lavra avec un humour qui pointait dans sa voix  apeurée.

Nous devions continuer à travailler malgré la fatigue de cet immense contrecoup.Ce que je voulais,c'était abandonner mon courage et me pelotonner contre ma soeur,qui est toute seule et qui survit.

Notre professeur de français nous disait que les bons souvenirs pouvaient anéantir la douleur qu'un évènement terrible venait d'irrémédiablement provoquer.Je voulais le croire.Je voulais croire à ce que j'ai de la chance d'avoir déjà vécue.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Where stories live. Discover now