Chapitre 44A:

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-Qu'est-ce que tu penserais si je te présentais un nouveau garçon?a-t-elle demandé parce que le fait que je me change avec ses affaires lui offrait une intimité entre nous deux.

-Je lui conseillerais de se barrer,je ne sais pas qui c'est mais Wladek vaudra cent fois mieux que lui.

Je préfèrerais honnêtement crever plutôt que de tromper celui qui m'avait sauvé,qui m'avait aimé,si peu que je le fasse.

A présent,j'ai poursuivi mon récit,élément d'une future grande fresque populaire.Je l'ai reprise 34 jours après mon départ de Varsovie,le jour où j'ai rencontré,dans les confins orientaux de la Pologne,celle qui au départ était côté soviétique,une étrange fillette rousse ayant adopté le même modèle de survie que nous,qui s'était retrouvée là sans piger un mot de polonais.Elle s'était évadée seule du système à son âge,et cela représentait un exploit.Pourtant,son mutisme tenu lieu d'identification,et j'en arrivais même à penser que c'était un esprit,un revenant silencieux de la forêt.Son dernier espoir devait être le même que le nôtre:que personne n'ait rien vu.Hélas,comment voir si quelqu'un a vu?Nos visages exprimaient la bienveillance impassible d'une rencontre entre malheureuses victimes.

Ma petite,j'y pense,si mignonne,si semblable à l'une de mes tantes,qui étais-tu dans tes étonnants habits de garçon?Je me demande parfois si elle existait réellement.Parce qu'il faut avouer quelque chose,c'est que la densité,la répartition si particulière des arbres entre eux n'arrêtaient pas de monter dans mon cerveau fragile,et...oui j'avais bu un peu de bière en me réveillant le matin.

J'allais lui proposer de lui offrir un peu de chaleur humaine,un peu de coeur,en l'accueillant parmi nous.Mais elle semblait s'être habituée à ce qui continuait de me troubler,sans que je ne parvienne à me mentir à moi même.Elle était née pour cette forêt gigantesque.J'étais loin de la détester,au contraire,je l'aimais d'un amour aussi profond qu'elle.Simplement,je n'étais pas faite pour y survivre sans m'arracher une fine couche épidermique au moins une fois par semaine,sans m'arrêter à cause du froid,et surtout pas pour survivre sans voler de la nourriture à la civilisation,car j'étais incapable de me servir dans ce que m'avait donné la nature.Si seulement elle pouvait communiquer dans le même langage que moi.Mais non.Je n'étais même pas sûre que ça soit une juive,peut-être était-ce un simple enfant sauvage polonais.Après qu'elle nous quitte en courant,Wladek finit par attirer mon dos au devant de son manteau,j'appréciai vraiment cette sensation.Son amour,c'était la seule chose qu'il pouvait m'offrir sans se mettre à 32,et par chance,c'était ce qu'il y avait de plus précieux.C'était cette partie là de lui qui avait tout pour séduire les filles,avec son humour,son attention.

Après cette rencontre,on a pas croisé d'autres humains avant bien longtemps.Probablement parce que nous n'avions pas tenté de voler leurs possessions.Je n'avais plus envie de les voir,plus jamais,à aucun prix.C'est alors que nous sommes sortis de la forêt.La lisière était définie d'une manière si nette qu'elle en paraissait artificielle,balayée par un vent assez vivifiant,qui projetait maladroitement mes cheveux sur mon visage.

-J'ai envie de courir et de me rouler dans toute cette neige.

-Tu sais te montrer convaincante quand tu veux,je dois l'admettre.

Alors je me suis projetée dans cette piscine d'épais froid blanc.J'avais envie de bondir d'une joie bricolée,d'arracher tout mon intérieur de moi,de le déchirer en plusieurs centaines de morceaux,de mélanger le froid renfermé à la neige délicieuse,mais je savais que quand j'étais sur les nerfs j'avais plus tendance à rester immobile.Au moment où je m'y attendais le moins,Waldek s'en prit à moi,se projetant sur mon dos,et rien qu'à cette sensation je me rappelai ce qui arrivait quand il neigeait au collège de Varsovie.Il s'allongea ensuite légèrement à mon côté et au final ils s'en sont tous mêlés,pour créer une bataille géante de boule de neige alors même que nous devons être tous en paix.Je ne comprenais rien à ce que nous faisions mais j'ai cessé de vouloir comprendre l'ordre du monde.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant