Chapitre 43C.J'étais hors de moi.

5 1 0
                                    

D'abord une dispute avec mon camarade de chambre dans la matinée.Ensuite les avertissements des gardiens plus sévères à mon égard qu'à l'égard des autres,ce qui ne laissait présager rien de bon quant à la solidité de ma couverture.Suivi des réprimandes du chef de section,qui aurait pu me tuer tout simplement.Et enfin la déception de ne plus avoir de nourriture pour me remplir dans la soirée,puisqu'ils avaient pris soin de passer dans nos cellules et de tout jeter.Des milliers de calories foutues en l'air,et une vie toujours aussi difficile.Je n'avais pas pu m'évader comme je prévoyais de le faire en utilisant mes pouvoirs et l'alcool ne m'aidait pas à affronter ce que était devenu notre vie.

Enfin,le clou:nous avions dû assister,en plein cagnard,à la scène où un criminel de guerre est venu expliciter son projet devant ce qui allait sûrement devenir ses prochaines victimes.Sincèrement,j'aurais pu trouver qu'il était un génie du mal si je n'étais pas l'une de ses principales victimes,ce qui montre bien l'hypocrisie toute humaine dont je fais preuve.Il avait un sourire calme et content!Un air nais sur le visage et une voix ridicule,pour expliquer quel courage il lui faut pour affamer les gens!

Il était plus jeune que moi,ce radical d'extrême-gauche.Il avait 15 ans.C'était terriblement humiliant d'être la victime d'un garçon plus jeune que soit.

-Je sais,je sais,a fait Ponno,compréhensive,en baissant les yeux.

Bon,je vous donne le droit d'écrire à présent sur ma feuille,si il vous semble trop pénible de parler à voix haute.

-Je vous remercie,ai-je répondu simplement.

Elle fit voler jusqu'à moi,qui ondulait comme un tapis d'Arabie terrestre,et il s'agissait de papier écolier,aussi jaune que moi,et aussi fanée.J'ai cru un instant qu'elle l'avait fait exprès,et elle était couverte d'une écriture de paillettes noires.Très personnel de sa part,n'ai-je pu m'empêcher de souligner.J'allais à présent raconter une scène de dortoir,après un blocus très avancé d'un camp où je ne comprenais même pas qu'on nous nourrissait autant.

Une fille se promenait dans la chambre avec une sacoche en papier contenant la forme ronde d'un fruit.Son amie,que je croyais pendant longtemps être sa jumelle,s'est mise à l'enlacer en lui disant qu'elle pourrait toujours compter sur elle.

-Et inversement,a fait l'autre.

On s'est dit que c'était une jolie scène pour un couple de copine,avec un sourire amusé à l'idée qu'ils n'auraient pas détruit notre humanité.La jeune fille à la pomme la serra de nouveau contre elle et l'autre s'éloigna,avec le fruit dans la main.A peine eût-elle croqué dans le fruit défendu que l'autre le lui arracha de la bouche à lui en péter les dents.Pour une fois,j'acceptai,entre guillemets,de me mettre à la curée.J'ai eu cette réaction à la con Ponno parce que j'en pouvais plus.Malgré l'obscurité totale qui régnait à ce moment là parce que quelqu'un avait pété la lampe,mes mains fines et froides semblaient trouver sans peine la nourriture qu'elles cherchaient,comme si elles avaient des narines de renifleurs canis.Mes mains s'enveloppèrent naturellement autour du quignon que je portais derrière mes lèvres.Inutile de dire que la pièce n'avait jamais semblé aussi pleine.Tout aussi inutile de dire que je n'avais jamais connu de plats aussi bruyants et indigeste,même pendant les banquets.Depuis que l'ado affameur était arrivé,je n'avais jamais vu de gens manger tous en même temps.Ou alors ils râclaient de leurs dents plates de doltik,des gros animaux herbivores,des carcasses qui nourriraient des dinosaures.Exceptionnellement ce jour là,ils annoncèrent pourtant un déjeuner le lendemain midi.C'était une journée très chaude.

Bien évidemment,je ne suis pas inconsciente et je savais exactement à quoi m'attendre.Je n'avais pas envie de finir ma vie ici,et surtout,je n'avais pas envie que ce soit eux qui puissent se vanter d'avoir achever la mienne.Je me mérite,je suis une princesse,me suis-je dit.Mais quand ses mots parvinrent sur l'écran plat de mes pensées,il n'y avait aucune fierté,juste une tristesse endeuillée.Mon choix de fuite était à nouveau pris,mais il ne sera pas aussi simple cette fois.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Where stories live. Discover now