Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]

Chapitre 43A:PDV de Panne.

Lorsque je lui servis un poulet,un gros poulet rôti croustillant et doré,à elle qui redécouvrait à peine les joies de la bonne bouffe,je ne pus m'empêcher d'observer ses réactions.D'après ce qu'elle me dit,sa grand-mère était une cuisinière amatrice,ainsi que sa tante,et elles régalaient souvent la famille de leurs recettes.Les spécialités culinaires étaient souvent épicées,et ce goût presque indien lui faisait office de madeleine de proust,comme disait les frenchys.Pourtant,elle continua de raconter sagement son histoire si triste au reste de la famille.

Sara m'a offert une longue description de ses pleurs et de ses tourments de janvier 1943.Je jubilais.Dans un discours très juif,elle déclarait que personne ne venait l'aider.Hitler avait même déclaré,comme un coup de poignard dans l'honneur de Sara,qu'il pouvait faire ce qu'il voulait des juifs.Personne ne s'en occupe.

Sara et ses amis étaient de véritables proies humaines.Ils ont vécu dans cet état plus de cinq ans.Lorsqu'un juif se faisait arrêter sous leurs yeux,les cathos avaient parfois un air narquois,et Sara le voyait bien.Ils pensaient que les juifs étaient riches,et c'était pour une fois vraiment génial que les juifs ne soient pas riches.Elle resserrait les lèvres avec haine,avant de m'invectiver encore,dans l'espoir que je lui explique comment elle est arrivée ici.Elle en démord pas.Raconte moi tes maheurs plutôt,petite Sara.

-Cappuccino?lui demandai-je.

Elle accepta.Elle avait l'impression que cela ne faisait que deux jours qu'elle était sortie de l'enfer et qu'elle avait repris une routine qui ne lui évoquait rien sans pourtant cracher dans la soupe.En janvier,ils se levaient à l'aube pour fuir ce lieu où ils avaient dormi.L'après-midi,elle chantait.Comme Lana apparemment,et Loony aussi qu'on avait dressé à faire ça,elles aimaient chanter.Et elle chantait bien.Enfin,le soir,seulement,elle mangeait quelques miettes qu'ils avaient trouvé dans une gargotte de collabo.Personne n'y faisait attention,ils devaient penser qu'il s'agissait d'enfant des rues venant squatter ici un peu trop régulièrement à leur goût.Mais ça restait moins important que l'alcool.Ils répondaient négativement alors qu'en réalité ils étaient loin de se lasser de la vue d'enfants sales et pauvres,qu'on ne pouvait pas accuser d'être juifs si facilement.

Sara,même quand son humeur était altéré par le  côté désespéré de la situation,ne pouvait se lasser des sons,de la beauté de la nature,du courage des enfants.

-T'es quand même resté une semaine dans ce village,c'est qu'il devait compter à tes yeux?lui ai-je demandé,curieuse.

-On a des relations avec toute la Pologne.L'avantage d'être une communauté soudée,dont on voit la destruction.Vous avez un lien avec ce village?

-Tu ne  vas pas me lâcher avant de savoir quelque chose sur moi hein?ai-je rétorqué.Je m'amusais de maintenir une fille dans l'ignorance,même si elle avait survécu à un génocide.

Elle secoua la tête de gauche à droite,de manière à marquer sa détermination,et je trouvais ça amusant.

-Je présume que vous ne voulez pas que je rentre sur Terre pour ne pas que je traite des nazis comme ils le mériteraient?

Ma vieille,si tu savais les projets que j'ai pour toi...Ils sont tellement au-dessus de tout ça.J'ai quand même répondu oui.Elle hocha la tête avant de fondre en larmes.Elle avait placé de l'espoir dans la violence.

-Ce n'est pas ce que vous croyez...Je veux rentrer sur Terre.

-Une orpheline juive dans la Pologne communiste.Wouaw,quel instinct de survie.

-J'ai compris quelque chose à propos de vous comme à propos de moi:nous ne sommes prêtes à ne rien lâcher.

Cela ressemblait à une proposition pourtant aucune ne vint derrière.Elle n'attendait qu'un combat verbal.Je me suis dit qu'il fallait peut-être la chouchouter pour qu'elle nous raconte ses aventures dans un autre village.Ils semblaient tellement froids,mystiques et inhospitaliers sous ses mots.Je suis encore partie nous chercher du café.