Chapitre 58A:Pendant ce temps,pour nous.

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Sara ne se le pardonnera jamais.Elle savait que ce serait condamner les autres et c'était pour ça qu'elle ne l'avait pas fait.Du moins c'était l'argument qu'elle avançait toujours,elle avait besoin de compassion,qu'on la regarde et qu'on se dise qu'elle avait vraiment été malheureuse sur Terre.Pour cela,il fallait qu'elle soit irréprochable.Et elle souffrait aussi parce que d'autres avaient souffert et qu'on le lui avait dit.

-Nous savons ce qu'est devenu Zosia.

-Si elle est vivante alors peu m'importe qu'elle ait pris part à la guerre,aurai-je dû répondre,c'est la paix.Mais bien entendu personne n'aurait répondu ça.J'ai pleuré à la simple évocation de son nom.J'attendais à ce qu'on parle d'elle,seulement d'elle.

Pendant que les derniers convois partaient vers le Sud de la Pologne,et nous avec,Zosia était toujours à Varsovie.Kinga n'a rien fait pour le ghetto,certes,mais c'est pas le cas de Zosia.Elle a scié tout ceux qui n'y croyaient plus,cette ange qui avait besoin d'être aimé mais qui ne le pourra jamais,et la guerre n'aura jamais semblé aussi belle que menée par elle.C'était une petite frange de la résistance polonaise qui les avait aidé,et elle en faisait partie.De toute façon,disait-elle,elle allait mourir.Alors,le 19 avril,la veille de l'anniversaire d'Adolf Hitler,elle a décidé qu'elle n'allait pas attendre que toute la Pologne se réveille,et elle a fait ce qu'elle voulait,pensait-elle,que je fasse pour elle.Elle allait tuer mais ça serait angélique:et elle a survécu.Elle a survécu parce qu'elle a rencontré une femme et qu'elle voulait que celle-ci survive,parce qu'elle disait connaître Sara Isenberg,avoir vécu avec elle pendant un an et demi dans un appartement surpeuplé,qui appartenait à sa meilleure amie,une amie qui est morte.Elle s'appelait Halina Jaroszewska.Elles avaient eu l'un de ces échanges qui vous changent une vie au moment où vous êtes sur le point de la perdre,tel une rencontre amoureuse entre deux très jeunes combattants qui se dragouillent parce qu'ils sont trop jeunes pour connaître la mort.Mais il ne serait jamais venu à l'idée de Zosia de séduire qui que ce soit,mais elle souhaitait l'avoir auprès d'elle,l'insérer à la vie publique une fois la guerre passée.

-Franchement,quel métier pourrez-vous exercer?

-Je suis peintre...Dites-moi,ça ne vous a pas suffit de sauver Sara?

-Non.

Elle m'avait aimé,je crois.Elle avait tout de même essayé de m'embrasser.Mais déjà à cette époque je sentais qu'il se passerait quelque chose avec Waldek.Elle le sentait aussi.Mais la vue de cette femme l'avait poussé au paroxysme de l'ébahissement.Comme elle était belle,comment Sara n'avait elle pu lui en parler?Elle lui demanda si elle avait quelqu'un,et comme Zosia était une fille,elle ne se douta de rien.Elle avait effectivement un cousin de qui elle était amoureuse et dont le voeu le plus cher était de le voir après la guerre.Rien d'attendrissant là dedans.

-On s'en est bien sorti non?

En réalité,Zosia l'avait poussée à fuir en sentant le carnage arriver,et Halina lui en voulait de lui avoir empêché de grossir le rang de ceux qui auraient tenu la révolte pendant un mois.Elle lui a promis de l'accueillir seulement jusqu'au mois de juillet,dans une maison qui était autrefois celle des Isenberg.Son grand-père allait mourir à cette date,comme sa mère avant lui,et elle serait seule désormais.

-Au moins ce ne sera pas les allemands qui les auront pris.Ils ne leur auront rien donné,même pas leur mort.

Elle se souvient encore du vieil homme dont elle avait tant entendu parler sans y accorder d'intérêt,pensant sans doute que survivre ainsi c'était pour les faibles.Elle se souvient qu'il s'était tourné vers elle et qu'il l'avait appelé petite pour lui demander son nom.

-Tu n'es pas seule,ne cessait-elle de lui répéter,tant que tu fais partie de notre armée.

C'est là qu'elle a trouvé Kinga,lors de la commémoration en l'honneur du "camarade"Jablonski.Elle est allée la voir,elle lui manquait,elle avait déjà répoussé une à une les personnes qu'elle aimait,mais sa cousine c'était trop pour elle.Le mien ne lui avait laissé qu'un triste soulagement.Elle s'était déjà lassée de moi,sans doute,comme j'aurais préféré le croire.Elle n'a rien reproché à Kinga,du tout.Elle était aussi misérable qu'elle,que le pays l'était tout entier.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Where stories live. Discover now