Chapitre 25 A: Jablonski.

22 2 0
                                    

La mort d'un homme,c'est une tragédie.Celle de millions d'hommes,c'est une statistique.

C'est malheureusement l'expérience que j'ai eu de la mort.Elle frappe tellement vite qu'on a pas le temps de croire que ça n'arrive qu'aux autres.Jusqu'à ce que l'autre,ce soit un père,une mère,un frère,un ami ou une soeur mort,emporté par ce programme d'extermination implacable.

Cette extermination,l'extermination de tout son peuple,sa communauté,c'est d'abord celle de chacun en particulier.C'était ensuite une mort collective,celle de tant de gens comme nous,que nous ne connaissions pas.

Nous en faisions partie.Nous courions dans la rue,en essayant bien de nous cacher des nazis qui verraient cela comme une tentative de fuite,une preuve de lâcheté,il ne fallait surtout pas les exciter.Lâcheté dont j'ai fait preuve,fuite dont j'ai fait preuve.Nous nous sommes donc arrêtés sur le murtet,ce jour de juin,loin de la laideur habituelle,loin des enfants.

Je ne m'arrêtais plus devant ces enfants au ventre gonflé qui n'avaient plus la force de mendier.J'étais devenue cette fille à la fois libre et égoïste,qui ne pense qu'à sauver sa peau et celle de sa famille,et celle de ses amis.Pourtant,lorsque j'arrivais à me glisser à l'extérieur,comme un chat,j'offrais mes trouvailles à ceux qui en avaient le plus besoin.J'étais charitable,même si j'aime pas ce mot.

Ces enfants,je les trouvais plus heureux que moi,et plus courageux.Je les entendais rire,narguer la mort,narguer ce que l'on attendait d'eux,narguer ce souhait que tout le monde avait,de nous voir mourir.

J'essayais pourtant de ne pas sur-analyser la situation,et de ne pas laisser les autres me laisser penser différemment.Pour moi,la seule solution était de tous nous faire fuir.

-Pour aller où?demandait Waldek,qui de plus en plus avec sa soeur se réfugiait dans les arbres.

-On emmènera tout le monde.Ta famille,la mienne,celle de Soshele,et on se mariera.

-Tu es sarcastique?Se marier?Soshele dans les bois?

J'étais surprise,vraiment choquée,qu'il ne me prenne pas au sérieux.Cela signifiait qu'il avait déjà abdiqué.

L'été s'étirait ainsi.La prison devenait moite de chaleur,et je trouvais de plus en plus de plaisir à partager mon butin avec celui de Waldek,et celui d'Ania.Je trouvais jamais grand-chose,mais c'était toujours un festin.

Je disais parfois à ma mère:

-Prépare la table,au cas où,en souriant.

Mes cibles privilégiées étaient les restaurants,suivant du regard une table,suivant d'un air avide le chemin de la nourriture.Je ne me suis jamais faite attraper,mais je ne vole pas souvent.

Il m'arrivait parfois de saliver en voyant le breuvage arriver dans la gourde que j'avais ramené de la maison,sentant le métal froid se réchauffer.

Et un jour...

Nous étions en août.

J'avais une ceinture de soda autour de la taille.Ma famille dormait déjà,probablement,heureusement nous n'étions pas loin de chez nous,il suffisait simplement de monter sur les murs et de se glisser derrière la fenêtre.

Waldek et Ania passaient les premiers.Ou plutôt,Wladek passait le premier et tirait Ania.J'étais la dernière qui devait repasser en prison.Je regarde une dernière fois autour de moi,mais avec le couvre-feu tout le monde est rentré.

-Bon...

J'ondulais,comme un serpent,mon corps mince enserré de bouteilles dans l'infractuosité.Quand soudain,je sentis un petit déclic,et elle se coinçait.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant