Chapitre 37B:La Voleuse.

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Ce soir,dans notre hutte,alors que ma mère épongeait les blessures accumulées au cours d'une journée d'ivresse hivernale,nous avions parlé du destin.Nous nous étions fait encore tabassés gratuitement,et justement,nous nous demandions si cela était gratuit,si le destin,la loi du talion,tout cela existait vraiment.Si mon destin a prévu que je sois malheureuse toute ma vie après être entrée dans me seizième année,alors je le maudis.Je sais pertinemment qu'il s'agit des décisions d'un groupe de personne au pouvoir en Russie,mais si le destin avait placé mon esprit dans le corps de l'une des victimes...

-C'est égocentrique et victimaire,daigna répondre Lavra.Si ton karma était tellement pourrie,tu n'aurais pas ces robes commandées par tes riches parents depuis Turin qui est pourtant très loin de la ville où tu habitais.

-Justement,Lavra,cela signifierait que l'on m'avait fait goûter au bonheur,avant de venir ici.J'aurais dû naître d'abord en Sibérie comme Yolanda ou Evgenia.

Une nuit blanche succéda à la précédente,alors que le manque de sommeil pouvait réellement me mettre en danger.La situation du camp demeurait encore et toujours inchangée,pourtant,je ne parvenais pas à m'habituer.Dans ma tête endolorie,les choses demeuraient toujours aussi confuses.

Sauf que cette fois là,ce n'était pas à cause de pensées qui m'ôtaient l'envie de dormir malgré la fatigue.C'est Lasse.

-Lana...J'ai quelque chose pour toi...a-t-il dit tout excité à côté de ma porte.Je ne sais pas si ce type existe vraiment ou si c'est un fantasme hormonal.

Il me fit donc sortir dans le froid de la nuit,et avec la masse sombre des collines au fond,sous les étoiles totalement éclairée,les constellations parfaitement visibles,la Sibérie ne m'avait jamais parue aussi belle.J'étais mieux dans ce camp perdu,que dans une prison soviétique souterraine à Moscou.Il est arrêté devant moi et tout de suite quelque chose m'a semblé bizarre.

-Devine ce que j'ai sous mon manteau.

-Des bonbons?

-Non.

-Je sais pas comment tu fais pour être aussi bien traité,les Soviétiques ne sont pas vraiment connus pour leur Clémence.

-Tadaaa!

-Mais t'es complètement con!lui ai-je répondu en lui donnant une petite claque sur la tête.

-Je vole des dossiers pour toi et toi tu me dis que je suis complètement con?

-Tu aurais pu te contenter de feuilleter le tien!

-On s'en fiche complètement du mien j'ai plus que ma mère comme famille.J'ai fait ça parce que je t'apprécie et que je voulais le lire avec toi...

-Très bien ouvrons ce dossier,mais remets-le à sa place...p'tit con.Tu aurais pu te faire tuer...

-Aucun risque pour moi,a-t-il répondu fièrement.Je te note les informations que j'ai pu avoir et je te les passe.J'ai été convoqué là-bas,et il trainait sur le bureau,je me suis dit que je pourrais me rajouter l'un de ces exploits.

Pour ce garçon la vie n'avait aucune valeur.Pourtant je n'ai jamais connu son secret.Je sais juste qu'il était ankarkéen.Et que ça explique pas mal de choses.Cette personne a tout changé à ma vie dans les camps.Peut-être était-ce là son but?

J'ai ouvert le dossier en cuir.Je voulais savoir quel serait les conséquences de son si criminel travail sur mon père,qui avait dû quitter sa femme et ses filles.Je voulais savoir où il était.Je regardais la age qui lui était consacrée,sa photo peu flatteuse,et lisait son emplacement comme si cela allait apaiser les maux de sa famille.S'est-il remis,de son côté,de son départ de Lettonie?

Ils déclinèrent son identité.Mon père était dans un clan de prisonnier loin à l'est,très loin d'ici,il était coupable de complicité de crime,et je serais incapable de vous dire s'il est arrivé quelque chose.

L'année 1942 a commencé depuis dix jours,et j'ai déjà une piste pour retrouver mon père,et peut-être même,réunir la famille.Je n'y croyais pas moi-même.Un père peut très bien être voué à mourir sans revoir ses enfants.Et je subis ça.

-Chante,Lana;me disait ma mère au retour.

-Je peux pas...

je me voyais mal l'ouvrir sans lui mentir.Je voulais tellement le remercier,Lasse,autrement qu'en lui disant merci beaucoup,même si ça lui faisait tellement plaisir.Je me demande combien de temps Lasse avait passé à éplucher les pages de ce dossier concernant je l'espère la mère de ses enfants,en sortant du bureau du kolkhoze.

-Mon intuition ne me dit rien de bon quant à son sujet,a dit Lavra,étouffée par son propre pessimisme.Papa doit être mort à l'heure qu'il est.

Cette fille semblait ignorer le goût de l'espoir.Et pourtant elle survit.En réalité,je pense qu'elle était beaucoup plus courageuse que nous ne l'étions,nous,Markas y compris.J'essayais de me battre de mon côté,dans ce monde transformé au cours de ces années en un véritable cauchemar éveillé,mais j'ai ma manière bien à moi de m'échapper.Je chante.Aucun poème,aucun tableau,ne rend plus heureux qu'une mélodie.Bien que j'aime lire,un texte restera toujours plus plat que la plus simpliste des mélodies.

Je ne savais pas encore si le temps qui courait,le temps qui se réchauffait après les températures très rudes que j'avais vécu jusque là,me mènera à la mort où à la guérison.Une certaine parcelle de temps s'est écoulée,et Lavra de son côté savait pertinemment qu'après huit mois de rétention,durée fatale selon elle,personne ne viendrait nous libérer.Bien sûr,de son côté,elle se retournait la tête avec des pensées horribles quant au destin de tous ces pays satellites comme le mien,et elle priait intérieurement pour ne pas rester seules.Oui,dans ce cas là,seule prenait un s et accessoirement tout son sens.Je suis sûre que parce qu'ils étaient en plein coeur de l'Europe,Sara et tous les juifs de sa famille n'ont pas eu besoin de s'enfuir en janvier...De mon côté,je contemplais mon reflet sur un lac de glace et de boue formé en plein milieu de la chaussée terreuse du village,et je me suis rappelée,pour sourire à mon tour,à quel point j'étais une fille enjouée dans le passé,et à quel point mon regard noir semblait vide et perdu.Il n'est pas aisé en effet lorsqu'on est une adolescente,de faire le deuil d'un père.

Mon père,justement.Il a fallut que j'avoue à ma mère.Ma mère dont les parents auraient pu être à notre place,eux aussi,car ils étaient avocats d'affaire quand la Lettonie était encore la Russie,voyageaient constamment et géraient les affaires des clients à l'étranger.Heureusement pour eux,ils sont morts dans un pays libre,il y a deux ans,en 1940,tranquillement,sans avoir à se faire marcher sur les pieds comme on dit gentiment.

Maman,elle,avait remercié Lasse,qu'elle trouvait elle aussi stupide,et elle était presque gênée qu'il fasse ça pour moi,qu'il se mette en danger pour se mêler de ce qui ne le regardait pas.Elle serait à présent où écrire à papa pour d'aussi rares occasions que Noël ou les anniversaires.

Je regrettais tellement de ne pas pouvoir enregistrer ma voix et glisser d'infimes sons et bruits sur du papier.Je regrettais de ne pas lui offrir mon amour à travers des chansons,de ne chanter que pour ceux qui étaient autour de moi.Chanter n'était pas tout ce qui me reste,mais c'était tout ce que je pouvais offrir aux autres.Parfois il suffisait à quelqu'un ici,rattaché bêtement à l'identité nationale blessée,d'entendre une chanson apprise en maternelle pour lui redonner le sourire.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ