Chapitre 22A:Goy privilege.

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Les goys d'ici, essentiellement des polonais donc, les allemands sont pas d'ici, avaient un privilège par rapport à nous. Un accès moins réduit aux sources. Moins exposés au meurtres arbitraires. On apprenait à l'école combien ils avaient souffert, parfois même à cause de nous. Là même eux savaient qu'ils étaient privilégiés. Et de l'autre bout du mur, certains nous envoyaient des paquets de nourriture. J'espère que certains viennent de Zosia.

Très vite en effet,la violence est arrivée.Je me suis demandée comme allait Irena.Si elle était vivante,comment vivait-elle?Ses conditions de vie étaient elles pires que les nôtres?Est-ce que là où elle était,si loin,des hordes de soldats tiraient aussi sur une petite vieille,un passant attardé,qui n'avaient pas eu le temps de courir chez eux avant l'heure du couvre-feu,ou sur les fenêtres où restaient encore des lumières,où restaient encore de la vie?Est-ce que là où elle est,des passants sont abattus tous les soirs dans les rues parce que certains l'avaient voulu?

Je savais que nous étions dans un monde d'une extrême violence.Mais toutes les choses qui suivirent n'avaient pas traversé mon esprit pourtant si peu optimiste,les viols dans les rues pendant que les allemands filmaient,car ils filment ceux qu'ils font,parce qu'être salauds à ce point là c'est franchement une gloire.Je suis sûre qu'ils l'ont montré à tout le monde.

Alors on s'enferme chez nous dés que la nuit tombait,et en cette saison froide,elle tombait tôt.On tirait les rideaux,on avait cousu avec des chutes des draps du tissu du patchwork et on évitait de faire du bruit.Tous les prétextes étaient bons pour se débarasser de nous.Je n'étais pas une fille pour qui le confienement était une épreuve facile.

Heureusement il y avait Waldek.A l'époque,je ne le connaissais qu'en temps qu'ami,qu'en temps que compagnon d'infortune au même titre que sa jeune soeur Ania.Ce qui est sûr,c'est que personne ne l'aurait aimé de la manière dont moi je l'aime,parce que personne n'aurait pu le connaître aussi bien que moi je le connaissais.Connaissais?Connais.Je ne cesserai jamais d'oublier les moindres détails de son existence.Notre épreuve commune,deux électrons libres dans une molécule d'air au milieu d'un torrent.

Les Allemands ont trouvé une méthode très maligne de nous soumettre un peu plus.Le conseil juif.Ou judenrat.Même dans cette enceinte il n'y avait en principe pas d'anarchie,et les juifs gouvernaient eux-même.Vous trouvez ça chouette Panne?En réalité ils ne font que répercuter les ordres des allemands.Vous ne voudriez tout de même pas finir comme mon père?

Je me mis à pleurer,réalisant l'horreur qu'il y avait derrière ce que je venais de dire.Mais ça,on ne le savait pas.Ma vie était ainsi,bercé d'humiliation,de peur et d'ignorance.C'était comme ça.

Beaucoup de juifs se portèrent volontaire pour le judenrat,réaction logique,vu qu'on pourrait penser qu'ils allaient arranger le sort de la communauté.Du moins,c'est ce qu'il nous a raconté.En fait,il était assez finaud comme type,et surtout,au fond on lui proposait du travail,il n'allait pas faire le difficile.

On a pu conservé certaines de ses lettres,ces lettres écrits de la main de l'historien Zygmunt Isenberg,qui a fini comme une victime anonyme parmi tant d'autres.J'ai quasiment eu peur de la lire mais je savais que je devais le faire.

Il n'était pas très doué pour inventer des mots,mais il était doué dans le choix des citations.Le choix,il n'en avait plus aucun.Il écrivait des annonces,dictées par les ordres.

Quand les ordres ordonnèrent à ce que l'on récupère toutes les machines à coudre,Soshele put garder la sienne.Mais comme,sous l'effet de la peur,du froid et de la faiblesse,elle cassait quelque chose pratiquement tous les soirs,je ne sais pas si je peux être en confiance avec ça.Mon père pouvait,avec l'aide de ma mère,se bâtir un réseau de relation,et le trouble ne nous atteignait plus vraiment.Je ne dis pas qu'on avait pas faim.Mais ils savaient comment nous préserver.

J'aimerais pouvoir dire qu'on a pas essayé de profiter de la facilité.Que contrairement à ce cliché qui colle à la peau des juifs,on essayait pas de se faire une petite place au soleil,nous et notre communauté de treize.Mais ce n'était pas vrai.

Et puis le typhus est vraiment arrivé.Après une journée à administrer les notes à la maison,et où j'ai discuté pas mal de temps avec Ania assise contre le mur,j'ai su que nous étions trop profondément placé dans une zone contaminée pour être protégés.Nous pensions à cette maladie constemment.Elle chacune de nos pensées sans jamais infecter nos paroles.Si dans notre ghetto,les allemands se contentaient de marquer par des affiches aux couleurs menaçantes,mordantes et radicales,dehors la propagande se faisait bien plus venimeuse encore.Je m'asseyais et fixais les papiers en prenant bien la peine de relire deux fois.Je ne savais pas à quoi m'attendre mais pas à ça.

Nous,on s'efforçait de garder espoir.De dire que ça ne pouvait pas nous arriver.Nous,nous prenions toutes les précautions du monde.Je revois les trois mères en ligne sur le palier,dans la salle de bains,dans la porte d'entrée.Je nous revois tous les quatres,mon père ma soeur et moi,sous la pince à épiler de Grazele,qui y allait fort,saisissant notre propre population du bout d'une pince à épiler avant de les tremper dans une soucoupe d'alcool.

-Vous vous sentez quand même mieux après ça,non?Plus propres,plus en sécurité.

-Oui,c'est vrai,fit mon père.

Après qu'il ait dit ces mots,je m'aperçois en effet à quel point tout ceci est libérateur.Je n'avais plus à m'inquiéter à propos des poux.Il me fallait éviter les allemands,trouver une issue et manger.

A cette époque,le danger se rapprochait déjà.C'était fin février je crois.Marek avait 11 ans,j'étais avec Gosia et mes parents et nous chantions.Enfin,papa restait assez méfiant,pensant probablement qu'après tout ce qu'il a fait pour nous garder en vie il ne faudrait pas foutre tous ses efforts en l'air en chantant.Maman se dégourdissait les jambes et chantait avec nous,les enfants.

Soudain,Marek était en train de rire impunément sous la froide lune d'hiver,dans une rue déserte,apportant un peu de chaleur à ce paysage glacé,quand il trébucha sur quelque chose,se rétamant dans la glace.Il éclata de rire,encore plus fort que tous les autres sons de la rue,et je ne pus m'empêcher de rire avec lui.

-Stop Sara arrête c'est pas drôle.Regarde.

Je baissais les yeux à ses pieds.C'était un petit monticule de fine poudreuse,que le vent décoiffa,découvrant le triste spectacle de ce que la nature avait essayé de cacher.C'était un mort,dénudé,ayant pour seul costume de cercueil ce que la nature avait bien voulu lui offrir.Marek eut envie de vomir mais se retint,et nous somma tous de courir vers chez nous,quitte à glisser sur les plaques de verglas.

Nous retrouvant enfin quelques temps dans la bienveillante lueur artificielle de l'immeuble,derrière la porte en verre qui nous protégeait illusoirement du froid,maman nous demanda de venir tous les trois,puis tous les quatre,nous n'étions pas bien gros et ses bras étaient assez grands,afin de nous serrer encore un peu plus fort que ce qu'elle avait l'habitude de faire.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant