Chapitre 50A:

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3 août 1943.

La consigne n'avait pas changé,il fallait faire comme si il ne s'était rien passé,de toute façon on ne trouvera pas de réponse,alors à quoi ça va nous servir de chercher?La question est surtout de se demander comment s'empêcher de trouver une origine à une situation aussi énorme.J'ai d'abord pensé qu'en tant que médecin vous trouveriez des solutions ou même que j'étais ici pour ça,mais c'est ridicule,je pense que je suis ici parce que j'ai souffert et qu'il faut recueillir un témoignage.

-Je sais ce qu'il vous est arrivé,Sara,je vous en parlerai plus tard,continuez.

Passé le bondissement de ma poitrine qui a failli faire se décrocher tous les vaisseaux autour,je lui ai avouée:

-C'est pas le seul évènement surnaturel qui s'est produit autour de moi....

Et c'est là qu'une hypothèse terrifiante éclata dans mes neurones.

-Mes parents sont-ils vraiment mes parents?Est-ce que j'ai passé mes premiers mois avec eux avant d'être adoptés par des juifs?

Je n'aurais pas voulu y croire.J'aurais eu l'espoir d'avoir une famille,des parents biologiques à aimer de nouveau,avoir un nouveau but,de nouvelles personnes à rencontrer.Mais je serais surprise qu'ils aient confié leur fille aux membres d'une communauté aussi vulnérable.Et si toute cette famille,avec tout ce qu'on avait vécu,ne serait pas la mienne,cela ne me consolera pas de leurs disparitions.C'est eux,la famille avec laquelle j'ai grandi.Et ils n'auraient jamais dû mourir ainsi.

-Zygmunt et Grazena sont bien vos parents,nous en sommes sûrs.Si ce n'était pas le cas,vous ne seriez pas infectée par la race juive mais que cela change-t-il vous n'auriez pas pu le prouver aux nazis...

Je détestais quand on utilisait leurs vocabulaire avec ironie quand on était pas soit même une victime.

-Que s'est-il donc passé de si extraordinaire?

-On était en montagne,entre Zakopane et la frontière slovaque,en remontant les ruisseaux vers un plateau.J'adore la montagne,vraiment.Les marmottes,les glaciers,un horizon barré de roche et de neige,la beauté de la nature semblait à chaque fois décuplée tant,entre les murs,elle nous avait manqué.

-Il ne faut pas entrer en Slovaquie,m'a intimé Waldek.

-Pas que ce soit mon projet,mais pourquoi tu dis ça?

-J'ai entendu des rumeurs,ils auraient payé les nazis...

-Ce sont bien des rumeurs,je te confirme.

-Chut!J'entends la voix d'un homme...

Je l'entendais aussi.Il ne devait pas être sobre.Bien entendu,nous avons remonté un chemin de terre creusé dans la pente de la montagne,perçant nos semelles sur la roche ,patinant sous un soleil humide,pour arriver à la clairière,sur le lieu du crime.

L'homme était un goral,comme on appelle les montagnards polonais.Un chapeau de feutre noir entouré de coquillages,un bâton de marche en branche taillée,et des vêtements bien trop chauds pour la saison.Je ne voyais pas la moindre trace de bouteille,mais il était totalement ivre.Enfin,ses cheveux bordeaux étaient coupés aux ciseaux,et il semblait terrifier un couple de marmottes depuis le début de la journée.Un type qui a vécu au contact de la nature toute sa vie ne ferait jamais ça.

-On va l'aider?demanda Ania.Comme ça en échange il sera bien obligé de nous apporter son aide.

-Pas besoin,a répondu Waldek.Il va vomir,et tout rentrera dans l'ordre,il va se rendormir,puis se réveiller.

-Je suis étonnée que personne s'inquiète pour lui,a ajouté Félix.

-Normal il garde les moutons il est pas censé redescendre au village.

-Pensez à ces pauvres marmottes...

Alors que,dissimulés derrière une grosse pierre mousseuse,nous étions en train de débattre d'une situation qui ne nous concernait aucunement,un évènement inexpliqué se produisit à nouveau.Une entité a ensorcelé notre ami alcoolique.Il s'est mis à tourner sur lui-même,la jambe droite attrapée par l'homme invisible,et c'est là que Waldek se décida à intervenir.

C'est vraiment très dangereux de faire tourner quelqu'un sur place:ton équilibre peut gravement être endommagé.

-Il va te vomir dessus,ai-je  gentiment prévenu mon amour.

-Je vais t'aider,a fait Ania bizarrement enthousiaste.

Je m'en fichais qu'un inconnu me vomisse dessus.J'avais fait mon deuil de l'hygiène à mon arrivée au ghetto.Mais son état n'avait rien de naturel.On l'avait ensorcelé!La magie n'existait pas...N'existait pas...Non,c'est vrai,après tout il y a juste des sciences occultes c'est complètement différent.

-Sara,viens.

-Vous l'avez mis en pls?

-On va le laisser dormir.Profitons du paysage,plutôt.

Oh oui,ça valait le coup d'en profiter;le soleil était si puissant que sa lumière se séparait en des dizaines de rayons obliques,tout en gardant la clairière pentue à l'ombre,à l'herbe émeraude encore humide,et quelques pics montagneux,en Slovaquie,se dressaient au-dessus d'une très basse concentration de nuage de vapeur.J'étais même pas surprise qu'il existe encore autant de beauté dans un monde si cruel.Nous étions là tous ensemble pour en profite,en compagnie d'un inconnu ivre qui dormait et qui venait probablement de se pisser dessus.J'ai posé ma tête sur l'épaule de Waldek,il manquait de douceur,il pointait,mais ce n'était pas graves.Nos épaules pointaient de la même façon.

-On est pas bien là?

-Si si,Waldek,t'assures.

Le bien être était absolu,je n'avais soudain plus aucune raison de me plaindre.



Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Where stories live. Discover now