Chapitre 48A:Mai 1943.

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Notre entretien corporel évoquait celui de quelques avions de guerre.Nous nous ravitaillons en plein vol,en pleine fuite.Certes,courir à vide n'est pas rationnel.Nous risquions de nous fatiguer,de tomber d'épuisement,dans la terre,dans les feuilles.Mais la nourriture n'offrait pas de quoi courir.

Malheureusement,il arrivait souvent que je me sente lourde,ce qui peut sembler ironique,si lourde que je me sens incapable de me mouvoir,incapable de fuir des présences étrangères par lesquelles je me sentais observée.Je ne voulais,je restais plantée,interdite.Terrifiée,Ania tenta de me faire bouger comme elle l'aurait fait pour réveiller mon cadavre.J'ai eu une certitude,et elle me faisait beaucoup de peine,c'est que si elle aurait pu me tuer pour sauver notre vie,elle n'aurait pas hésité.C'est à ce moment que je réussis à déguerpir.A déguerpir jusqu'à une grotte où nous pourrions nous abriter.Ils prirent une large avance sur moi,et une fois abritée par l'ouverture large et noire,dont les contours ressemblaient à des poils,où nous nous sommes abîmés dans un nouveau recueillement,un hommage dans la plus pure tradition judaïque,et après une dernière prière des morts,Waldek s'est retourné vers nous:

-On va passer la nuit ici.

-T'as pu scanner pour voir si il n'y avait pas d'ours ou de nazis?

-C'est pas très profond,je vais toquer à la paroi au fond,regarde...

Ce n'était que lorsqu'il commença à installer le lit,sous la voûte de la grotte,que je me suis lancée enfin.

-Regarde,y a des vers luisants!a fait Agnieszka.

-Je sens comme une présence...ai-je enchaîné.

-Sara,est-ce que tu vas bien?bégaya Ania,à la fois inquiète et moqueuse.

-C'est pas que ça va mal,c'est que je ressens des choses étranges.

-Oui,j'imagine,rétorqua Waldek,une veille forêt en pleine guerre on a trouvé plus rassurant.

Il jeta autour de lui un rapide regard,peu rassuré et peu rassurant,qui moi me fit frissonner.Nous ne serions pas en mesure de nous battre contre un ours prêt à nous tuer à mains nus sans nous manger,nous n'avions pas d'arme.Mais s'il fut rapidement avéré qu'il n'y avait rien de physique qui pourrait nous faire sortir de la grotte,je restais mal à l'aise.Une sensation de chaleur moite,comme une haleine immonde,me maintenait dehors.On avait bien la confirmation que j'étais lâche,maintenant.

-Sara?

-Bon allez tant pis.

Je suis entrée dans la grotte et me suis allongée dans le tas de feuilles mortes.

-Ah oui tu as raison il y a des vers luisants au plafond.

Je ne pouvais m'empêcher de penser qu'en plus d'être égoïste,j'étais une fille facile.Les arbres offrirent une belle cachette aux amants pendant des décennies.Pourquoi cela ne serait-il pas notre cas?

Puis si j'ai peur,j'ai qu'à me casser et me rendre à l'armée et c'est balle dans la tête qui m'attendait.Ce serait assez ironique étant donné que je m'étais imposée comme chef de notre petite bande.

-Qu'est-ce qu'on attend?demanda Ania.On va pas se coucher maintenant?

-Tu souffriras moins si tu dors,ai-je répondu sur un adorable ton maternel.

-T'es très gentille mais je  n'ai pas besoin de toi.

Cette phrase anodine trouva un écho destructeur en moi.Elle résonnait.Je n'ai pas besoin de toi.Tu es la chef de notre clan,tu nous a sortis de Varsovie mais je n'ai pas besoin de toi.Mon coeur se compressa et battit de plus en plus vite,me procurant des milliers de sensations toutes plus dures les unes que les autres.Et je ne me reconnaissais même plus moi même.Je ne comprenais même plus les raisons de mes différentes réactions,et je regrettai toujours mes réactions après coup.J'ai finalement laissé place à la colère,et je sentais la tristesse me serrer la gorge.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt