Premier jour.

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Auschwitz,premier jour.

C'est comme ça qu'a démarrée laséance.A partir de maintenant je n'allais m'exprimer qu'avec desphrases courtes.Je voulais en finir avec ça comme tous voulaient enfinir avec nous.Les plus petits enfants n'avaient pas l'air decomprendre mais les plus grands comprennaient.Waldek me certifieraplus tard sur le chemin du retour que ce qu'il avait vu la premièrefois,c'était un mec probablement de la résistance,une tête,un chefque l'on allait sacrifier,traîné par les épaules et les autres nepouvant rien faire ne pouvaient que lever le doigt en hommage,sansprotester parce qu'ils devaient survivre pour résister.J'avais Aniaet Aniela avec moi.La petite fille regarda sa jolie montre avant derentrer dans le sauna.Elle la gardait au poignet.Ce premier suppliceallait durer des heures.Je me souviens de la plante de mes pieds surle carrelage blanc surinfecté de cette salle qui s'étendait surplusieurs dizaines de mètres sans que l'on puisse en voir lesbouts.J'étais déjà plus maigre que les autres et celles quiconnaissaient rien de mon passé me regardaient avec pitié,elle ferapas long feu celle là.Je m'étais tellement habituée à mangerpeu.Quant aux gardes,sans doute un contingent de jeuneslesbiennes,elles souriaient.Elles avaient l'air de trouver ça plutôtcomique et passablement excitant.Je ne mettrai pas toute la gêne quej'éprouvais sur le compte de mon hétérosexualité,personnellement.Jesavais très bien que ce n'était pas moi qui les intéressait.Je nesavais même pas si Zosia me trouverait encore jolie.Malgré ladouleur de l'eau brûlante sur ma peau,l'eau glacée me semblait êtrela fontaine de tous les dieux aquatiques de l'Olympe sur mon corps.Jeme suis redressée d'un coup,surprise par de drôles de sons.Un coupsec sur le sol.Les filles qui nous regardaient sur le balcon,se sontpenchées,intriguées par la chute du petit corps. Ania a regardé lamontre.Elle s'était arrêtée,je me suis pas inquiétée tout desuite,ce devait être l'eau et l'électricité.On m'a alors justementconseillé de ne pas la toucher.On lui avait laissée sa montre caron avait vu que le modèle était déficient.L'occasion rêvéed'assassiner une petite fille.On utilisait les meilleuresstratagèmes,l'artillerie lourde,l'intelligence au service de ladétermination et tout ça pour le meurtre d'une petite fille.Moncerveau qui nous avait maintenus cachés pendant 18 mois saturait etne se rendait plus compte de points aussi élémentaires.Alors ellessont venues la descendre et l'ont prises dans les bras,ne pouvantfaire autrement que de la porter comme l'aurait fait sa défuntemère.Elles ont approché le petit corps nu de la cellule.Elle avaitsix ans et demi,et toute sa vie n'aura été que survie.Elles ontradié mes plaintes d'un bref revers de la main,et pas lancé enl'air.J'avais l'air tellement vieillie qu'on aurait pu me prendrepour sa mère.J'ai lancé un regard venimeux à celle qui allait meservir de garde.Des prisonnières qu'on choisissait parmi les plusdures,des allemandes,des chrétiennes des pays occupés,plus rarementdes juifs.Ania ne voulut pas en dire plus,elle s'yattendait.Peut-être était-elle soulagée de ne plus avoir às'inquiéter pour elle et que l'on ne la triture pas sur une tabled'opération,par des médecins tellement fanatiques que la présenced'aussi peu de mélanine chez une juive surprendrait.Elle étaitbelle cette petite fille la putain de ta race.On s'est alors dirigéesvers les vêtements des femmes.Et Ania m'aggripa le bras,et medemander,comme une enfant parfaite,d'une voix suppliante que je nelui connaissais pas,quand est-ce qu'on rentrerait enfin à Varsovie.

Je lui ai répondu,si Varsovie étaitencore là.Mon chagrin sembla exagéré pour les autres.Car lesautres femmes semblaient avoir vite oublié la scène.Ce qu'ellesraconteront,vous vous en doutez bien,ce n'est pas qu'une petite fillede six ans est morte.C'est qu'elle ait survécu aussi longtemps.

Mais  la gardienne s'en souvenait.Oui,je disais gardienne,au lieu de kapo.Gardienne donnait un côté protecteur assez paradoxal pour notre ennemi quotidien.Mais que le mot était joli.C'était un avatar de notre lutte.Quand son regard croisait le mien,j'y voyais une distance narquoise qui me suppliciait.Elle se moquait de moi.Au moins elle ne parlait pas.Puis j'ai réfléchi.Je suis revenue sur mes souvenirs de Varsovie.Je me suis rappelée d'Halina et de Zosia et j'ai failli freiner des 4 fers.

'Quitte à mourir,autant que ce soit en me battant' disaient ils tous alors qu'ils auraient mieux fait de se barrer.Et puis en m'enfuyant j'ai découvert que de façon totalement aléatoire si mon arme ne suffisait pas je pourrais geler des gens.Maintenant c'était fini.Les polonais avaient tenté de le faire.Une alarme stridente retentit soudain,et des gyrophares rouges se mirent déjà à tourner.J'avais ma petite idée de ce qui allait arriver.Il se passait un truc du côté des gentils,en Pologne.Dés mes débuts,le camp prenait ses atours les plus apocalyptiques.J'ai bouché mes oreilles et on tenta alors de décoller mes mains.Mais j'avais toujours eu une ouïe ultra sensible.Si j'avais participé au soulèvement du ghetto j'aurais fini sourde.Et une handicapée,quelle quelle soit,dans une révolution ne survit pas.Depuis quand la survie m'intéresse,moi?Je sais ce que vous vous dites.Elle nous intéresse tous.Mais qu'est-ce qu'il m'arrivait?Qu'est-ce qui se passait enfin?Ania eu du mal à se contenir elle aussi.Elle pleurait parce qu'elle avait compris.

-Te mets pas dans cet état là,t'y arriveras jamais ici sinon.

Mais elle ne pouvait définitivement pas faire plus.Il aurait semblé malvenu que la gardienne nous remarque.Celle-ci elle a bien mérité sa place ici.Elle a fait du bon travail pour l'avoir.Elle a dû être recrutée sur casting.Ces profs aux jeunesses hitlériennes ont dû l'adorer.Ils ont dû la faire rougir de plaisir,ai-je pensé sans arrières pensées.

De ce que j'ai entendu,Panne,heureusement que je n'étais pas tombée sur une polonaise.Les femmes étaient les pires.En réalité tout le monde s'en fichait de ce que je pensais de la Pologne et elles avaient bien raison.Sauf Ania.Elle le dissimulait histoire de ne pas avoir l'air ridicule,mais il est beaucoup plus difficile de se faire taper dessus par ses concitoyennes quand on est en guerre.Elle disait que J'aurais perdu foi en l'humanité,comme si jusqu'ici j'en avais encore.Je n'ai pas foi en l'humanité,j'ai foi en les gens que je connais.Ils pêchent n'importe quoi tant que ce sont des goys sédentaires.Avec l'impression partagées par tous que toutes les populations mélangées ici pouvait être ensauvagées sauf nous.Moi qui ai passé un an et demi dans la forêt et qui était infiniment fière de cela,je haïssais profondément cette façon de penser.


Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Where stories live. Discover now