Flash Forward 10:Je savais très bien que j'allais survivre.

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Il restait trois semaines,lui ai-je expliqué en hochant la tête.

Elle était en train de faire la cuisine,ironiquement.Je ne peux m'empêcher d'être charmée par une telle profusion de nourriture.J'entendais le bruit de cubes dorés de légumineuses frire,et des goutelettes d'huile s'évaporer dans une fumée parfumée,avant d'être étendue sur une pâte blanche et ronde,et crémeuse,découpée en triangle.

-Je savais parfaitement que je survivrai tant qu'il fait froid,ai-je alors expliqué à Panne,avec la bouche pleine,marrant non?A nouveau la théorie se vérifie.Le froid ne m'avait jamais dérangée de toute manière,l'hiver avait toujours été ma saison favorite.

-Vous ne me l'avez jamais dit ça pourtant.

-Je reconnais que l'été est très beau.Mais il n'y a aucun hasard au fait que la neige soit mon élément,alors.

-Oui ce n'est pas une arme,cela fait partie de vous.Donc en vous tuant,ils tuaient la magie.

-Dites moi s'ils savaient.

-Mais enfin,ils n'en savaient rien,me dit-elle doucement.Je t'expliquerai plus tard,mais tes grands-parents ont dû être beaucoup inquiétés de voir une dynastie juive  incapable d'utiliser ses pouvoirs.

Plus je réalisais et plus mon était empirait.Le pire c'est qu'elle n'avait pas l'air de savoir.Elle ne savait rien de ce qui m'était arrivé,quelqu'un de plut haut placé devait l'avoir envoyé écouter mon histoire à sa place.Je ne cessais de me demander,depuis presque un mois à présent,ce que je faisais ici.Est-ce éducatif,pour elle?Est-ce une certaine forme de discrimination qui les a poussé à ne sauver qu'une fille qui aurait,comme les gens normaux de ce monde,une affinité avec la glace?

-En trois semaines j'ai eu le temps d'apprendre à m'y faire.Trois semaines.C'est amusant,non?Dans les deux cas ce furent trois semaines mais je doute que vous soyez au courant.Dans les deux cas je ne connaissais pas l'échéance mais je savais que je n'avais plus qu'à attendre plutôt qu'à essayer de survivre.J'entendais autour de moi des femmes,forcément autour de moi c'était des femmes si vous avez suivi,et j'étais affligée même sans les connaître de les voir réduites à une telle extrémité.Je ne voulais pas voir ma propre mort,pas plus que je n'avais vu venir celle des autres.Toute mon histoire aura été celle d'une fuite.

Panne,peut-être vous l'ai-je déjà dit mais je suis obligée de confier cette pensée dés qu'elle m'entre en bouche...Et si j'étais restée au ghetto?Si mes pouvoirs s'étaient manifestés en ce moment même?Halina aurait eu un plus grand espace vital,sans mauvais jeu de mot,ai-je ajouté presque en crachant de la salive venimeuse,mais je n'aurais pas été de trop comme soutien moral,elle obligée d'enterrer Gerusha seule.Et si mes pouvoirs s'étaient déchaînés en ce moment même contre les nazis?Cela aurait-il marché?

Mais je n'aurais pas été avec Waldek.Il m'avait aimé depuis le début,depuis que je suis arrivée dans son collège.C'est un joli cauchemar communautaire.Il n'y avait pas d'autres juifs dans ma classe,c'était très inférieur à la moyenne dans ce quartier de Varsovie.Je l'avais trouvé lourd au début et comme on s'y serait attendu et je ne voulais surtout pas partir sans eux.Là je serais seule avec Halina,mais elle n'avait pas besoin de ma protection.Les autres,si.Je ne sais rien d'Halina,si elle ne s'en est pas sortie je ne lui en voudrai pas.

J'ai levé la tête,y avait une lumière grise autour d'elle qui passait par la fenêtre,et surtout ses yeux étaient remplis de larmes.

-Vue notre position géographique c'était surtout les russes qui auraient des chances de nous libérer et ça ils l'avaient bien vu.Une fois que j'ai vu que j'avais la chance de rester ici,je me suis dit que c'était bon.Comme à la fin d'un roman.J'étais pas malade,ai-je expliqué en haussant les épaules.Mais je n'en pouvais plus.La mort d'Ania me désespérait et en temps normal j'aurais voulu être seule pour la pleurer.L'insurrection polonaise avait lieu en même temps que je m'étais  bêtement retrouvée prise au piège,et déportée.Mais je leur montrerai ce que valent mes pouvoirs.Je ne veux plus perdre d'occasions de les utiliser.

On avait pourtant bien essayé de nous cacher que c'était la fin.Les américains avaient débarqué en France quand j'étais encore dans la forêt.Je l'ai vu en songe.

Le 17 janvier ils nous ont fait un dernier appel général.Ils neigeait,comme dans un beau film muet,j'avais les mêmes maladies que tout le monde,mais le froid me plaisait.On était si peu et pour la première fois ils avaient compris que le bébé,dans ce monde d'adulte,y était passé.Pourquoi ils ne nous tuent pas tous?Je me demandais si l'une des femmes allaient enlever son haut telle une marianne guidant le peuple pour leur demander s'ils auraient les couilles de tous nous tuer,de façon plus sauvage et moins subtile que ce à quoi ils nous avaient habituées parce qu'il allait le faire.Je ne voulais pas qu'il le fasse,sincèrement.Ce serait une mort stupide et j'aurais peu de chance d'y échapper.

-Mais vous voilà.

-Si vous saviez ce que c'était,d'être constamment balancée à la frontière de la vie comme ça,vous ne parleriez pas ainsi de moi.

-Vous parlez peu,j'ai remarqué des gens que vous avez rencontré et en même temps c'est ce que je m'étais dit,je n'ai pas connu ça.Mon corps n'en serait sans doute pas aussi affecté que le vôtre,mais mon esprit...Mon pauvre lapin.C'est que si j'avais été dans votre situation j'aurais essayé de trouver appui d'autant que c'était pas ce qui manquait là-bas,des polonais.

-Je ne suis qu'un petit animal sauvage,Panne,et je l'ai toujours été.



Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Where stories live. Discover now