Chapitre 60B.

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Elles en étaient revenues au russe.Jene connaissais toujours pas leurs prénoms.La fille à la hâchefinit par s'adresser à nous tous,comme une conclusion à ce passage:

-Ma trève,ma récréation si j'osedire est presque finie,et j'étais surprise de trouver une aussiparfaite soumission chez une fille qui pourrait rentrer à pied chezelle,qui en avait la force et l'insolence.Je retourne chez papa.Jevous emmène,mais c'est à vos risques et périls.

Allez,je m'en fous,je lui posesimplement la question.

-Mais pourquoi vous ne partez pas?

La mère soupira et caressa une boulede cristal.

-Je ne peux pas vous le montrer,maissachez que chez moi en Pologne nous étions trois mille à troismille cinq cent milliers.Il n'en reste plus qu'un tiers.

Ainsi dont elles l'étaient bel etbien.Pour elles ça aurait pu être bien pire.

Les voyantes,quand même,toujours cecomplexe de supériorité qui ne leur fait jamais dire les chosesdirectement.Soudain elle se leva,entendant un bruit qu'on nepercevait pas,soulevant de façon plus particulière l'attention desa fille,colla l'oreille au battant en acier et la portes'ouvrit.Sans crier gare.Pas de doute c'était bel et bien unevoyante.Mais nous les non-voyants on a été surpris.Comme une idiotej'ai bondi en arrière en poussant un cri de surprise et j'aiimmédiatement feint de rire de moi même parce que j'avaisterriblement honte,de me montrer sous un jour aussi peu glorieux faceà nos bourreaux.Heureusement cela n'en était pas un.C'était ungarçon d'à peu près 18 ans.

-Jankiel!

La fille,son prénom par contre je leconnaissais tou-jours pas,m'a soufflé avec un grand sourired'ignorer ses remarques.C'était sa connerie habituelle.Je latrouvais bien désobligeante pour quelqu'un qui lui rapportait desoignons,des perdrix tout en posant son fusil.Je l'ai entendu fairedes remarques.ça ressemblait à de l'allemand,je comprenais pas.

-Jankiel!Viens ici,tu peux emmenermaman au village,je me charge d'eux.

Elle lui demandait beaucoup de choses àquelqu'un qu'elle méprisait.Je l'ai gardé pour moi parce qu'ellenous rendait un très grand service,mais j'en pensais pas moins.Ellenous a alors escortée vers l'extérieur.

-Vous vous éloignez pas de moi.

-êtes-vous donc ma prisonnière?demandaNikolaï.

-Je ne suis pas sensée êtreescortée.Mais pour une fois que je m'amuse.

-Fais gaffe avec tes jeux derôle,toi,c'est mon gars.

C'est donc bien les lettons,en ai-jedéduit,qui ont ici les pires conditions de vie.

-Je vais passer pour une collabo,s'estelle alors ravisée.

-Y a pas de honte,a fait Lavra,avant devoir que tout le monde avait les yeux logiquement braqués sur elle.

-Moi j'en ai aucune envie.Y asuffisamment de juifs qui nous collent cette réputation auprès desautres populations qui arrivent.Après si tu fais référence à lacollaboration de vos soldats restés au pays...

Agacée,elle nous abandonna au basd'une brèche et elle alla se poster un éclaireuse,avec une lampe depoche cette fois,comme un phare dans la nuit.On se sentaitmalencontreusement laissés ici,comme un bagage encombrant.Nous sommes alors montés à sa suite.

-Champ libre,sans mauvais jeu de mot,nous dit elle simplement.Une semaine avant notre départ,les allemands ont dû reculer de Russie.

-J'arrive pas à croire que même nous on est pour les russes,j'ai fait discrètement.Sincèrement,qui pourrait alors soutenir les allemands?Un jour peut-être les deux pays signeront une trève et la guerre se terminera.Et ça changera rien pour nous,on en sera toujours là.On nous a chassé du monde et me retrouver ici ne fait que confirmer cette idée.On était tellement dans un monde parallèle que depuis quelques mois mes parents ne pouvaient rien faire pour moi.C'est une guerre à part.Car dés ce moment là,dés que l'on était entré dans ce champ pourtant libre,Irena sortit un poignard en plus de sa hache,en me passant sa lampe de poche.

-Suivez-moi,suivez la ligne des bois,en contournant la plaine.On ne pouvait plus que se fier à notre instinct.

-Désolée,je préfère l'arme blanche.

Il fallait trouver le village.étrangement,sur le chemin,qui fut encore bien plus étiré,on ne trouva ni garde,ni patrouilles de délations.Les blancs sont rares dans la région.On rampait à couvert,et Lasse tenta de s'attacher à moi,peut-être pour me faire voler au ras des feuilles à nouveau.

-Peut-être la surveillance est-elle relâchée de nuit?

-Chut.

J'entendis Nikolaï parler à Lavra derrière moi,avec cette voix cinglante qui me rappelait sa façon de s'adresser aux déportés.

-Il faut que tu comprennes,grandis merde.

-Mais qu'est-ce qui se passe?ai-je fait comme s'il s'agissait de mes dernières paroles.

-Pleurer ne les fera pas revenir.Et ne me fera pas revenir non plus.

-Comment ça tu veux dire que tu pars?

-On est pas fait pour vivre ensemble.Je peux pas être sûr qu'elle m'aime vraiment.

Alors là,c'est comme si un vent pourtant inexistant emporta les cheveux blonds de Lavra dans une tempête.

-Tu réfléchis parfois?Tu représentes l'ennemi,tu nous as arrêté et je t'ai aimé follement malgré tout.

-Sois pas hypocrite.Tu méprisais les autres déportés quand ils ne bénéficiaient pas de ta protection.Tu as vendu ta propre mère pour moi.Et tu étais follement jalouse de cette autre mère qui ressemblait à la mienne;je t'ai fait passer avant elle,toi et ta famille,parce que je vous aimais.

-T'en as marre de risquer ta position pour moi,c'est bon j'ai compris.Au début j'ai eu du mal à croire que nous deux c'était possible envers et contre tous.

-Tu sais quoi,moi non plus j'ai jamais cru ça possible et justement..ça l'était.Quelqu'un a des commentaires?a-t-elle fait parce que tout le monde s'était arrêté pour nous écouter.

Personne n'a rien dit,pas même moi qui les connaissait bien.

-Je suis bien trop engagé maintenant.Tu as besoin de moi,a-t-il fait en escaladant un escalier de bois étrangement clair,tour de guet posé en plein milieu de la forêt.Un aspect presque paranormal.Il avait des jumelles d'opéra,j'étais surprise qu'il ait gardé un accessoire aussi bourgeois sur lui.

-On peut monter?

-Je crois qu'ils...viennent vers nous.

-Là,la fille se précipita en haut mais n'attrapa pas l'arme de Kretzky.Je ne sais pas si c'est lui qui produisit un coup aussi puissant,mais la neige sembla se retourner d'elle-même contre nos quelques ennemis,et se précipita juste après.

-Allez-y,ils vont bientôt se relever,a-t-elle fait en s'asseyant sur une rampe et en se laissant glisser,puis en faisant une roulade vers le fossé.Les feuilles se mirent bientôt à  entièrement nous recouvrir,comme une arche électro magnétique.Comme si tous les êtres doués de pouvoirs magiques étaient attirés les uns aux autres dans cette steppe.Avec la curieuse idée de se les cacher les uns aux autres.

-La fille,fit Penne plus pressante.Vous avez finalement su son nom?

-Vous allez sourire,elle porte le nom d'une sainte orthodoxe.Je sais pas comment ces parents ont eu cette idée là.

-Comment ça?

-Ils l'ont appelée Irena.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Where stories live. Discover now