Voyant souvent passer de jeunes plumes toutes souffreteuses d'entraves, j'avais envie de proposer un art poétique à ma façon, histoire de leur faire comprendre qu'on agite sa plume plus utilement quand on se débarrasse des chaînes qui la retiennent au sol !
Il y a dans le vers trop vert
Un surcroît de prétention
Qui vient que c'est la poussière
Qui nourrit l'initiation :
C'est la parole des morts,
C'est le prestigieux passé
Qu'on décortique stressé
Sous de prodigieux efforts.
On apprend devant ces maîtres
Que la poésie est belle
Seulement si elle est traître
Et si le sens se rebelle !
On doit conjuguer ensuite
Sans jamais l'avoir appris
Comment exprimer la vie
Par ces mots dont on s'acquitte
Comme d'un impôt trop lourd
Qui vient assombrir nos jours.
Ces aèdes de naguère
Bercés de bible en latin,
Connaissaient une autre Terre
Que celle qui nous étreint.
Tout a tant évolué :
La langue en est chamboulée !
La poésie d'aujourd'hui,
Doit courir en liberté !
Doit pouvoir quand il lui prend l'envie
Échapper à la métrise, au rythme, à la corvée
Qui plie la lettre au chiffre,
Qui plie le corps aux nues,
Qui plie le cœur aux gifles
D'un tyran qu'on ne connaît plus !
A quoi sert une plume, si elle est entravée,
Plus lourde qu'une enclume qui vient nous enchaîner ?
Libère donc ta voix, graine jetée au vent !
Abandonne ce poids qui éteint le vivant !
Aime crie pleure rit et balance tes mots
Comme on crache sa haine ou étreint ce qu'on aime !
Danse prie hurle vis et fais jaillir le flot
De ce trop plein en toi qui attend que tu sèmes !
Poétise sur l'air de tes secrets charnels,
Rythme ta sauvagerie des mots qui ensorcellent,
Non par leur éloquence empruntée au passé,
Mais par cette puissance qui est ta vérité !