Qu'il est doux, qu'il est bon
De suivre le courant,
Et nageant sans effort au milieu des poissons
D'appartenir au banc.
Mais il ne faut jamais regarder en arrière,
Ni laisser l'œil flâner du côté de la berge :
On verrait l'horizon barré de monts de pierre
Et d'infinies prairies où les chemins divergent.
Quiconque aura quitté le focus collectif
Sera foutu.
Son esprit singulier bouillonnera trop vif
D'envies de plus.
Dès lors se rapprochant de la rive sauvage,
Il perdra tous les siens en gagnant le courage,
S'isolera sans fin en explorant le monde,
Car le banc n'aime que danser la même ronde.
Pourtant lorsqu'on s'assoit un instant sur la rive,
Et qu'on laisse planer ses yeux à la dérive,
On grandit de tout voir et veut le partager
Avec le banc où l'on frayait et qu'on veut libérer.
Mais celui que le flot confond avec la foule
Choisit toujours le banc car il craint trop la houle
Et un banc prisonnier d'un courant séculier
Condamne son sauveur plutôt que son geôlier.