Faites des pères

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Mais quel est cet écho que j'entends dans mon dos ?

Et qui donc met ses pas pas à pas dans mes pas ?

J'ai beau me retourner, nul ne marche après moi !

C'est en baissant les yeux que je vois que c'est faux...


— Qui es-tu, petit moi, qui me suit doucement ?

D'où viens-tu, petit moi, pour me ressembler tant ?

Viens-tu pour un mouton, une rose, un trésor,

Ou bien t'es-tu perdu, ou défies-tu le sort ?


— T'es con, Papa ! C'est moi !

Je viens de la cuisine !

C'est Maman qui m'envoie !

Paraît qu'on l'enquiquine...


— Mais oui, Papa, c'est nous !

Tu oublies toujours tout...

Tu ne reconnais pas

Tes propres petits gars ?


Je pleure à l'intérieur et souris en dedans :

Le temps a bien vieilli et m'a fait deux enfants.

Quand on va de l'avant, on ne sait plus très bien

Comment les jours s'en vont et ce que l'on devient.


Alors qu'on cherche au loin nos rêves vaporeux,

Le bonheur se repose au bord de notre route,

Et on oublie souvent à trop fermer les yeux

Qu'on a auprès de soi de quoi calmer nos doutes.


— C'est quoi ce regard triste ?

Tu viens jouer avec nous ?


— Non, je ne suis pas triste :

Surpris d'être avec vous.

Laissez-moi un instant

Pour enlever Maman

D'un bisou dans le cou,

Qu'elle joue avec nous !


— Ah, non, c'est dégueulasse !

Y a des hôtels pour ça !


— Pourquoi tu la rembrasses ?

Tu l'as fait mille fois !


— Vous avez bien raison :

Elle en aura plus tard !

C'est à vous, polissons,

Que j'en fais de trop rares !


Et nous voilà tous trois

À disperser les ombres,

Riant à grands éclats,

Chassant les idées sombres !


Ce n'est pas tant l'enfant qui dit la vérité :

C'est que la vérité se niche dans son rire !

C'est là que dort le sens et que fleurit l'été ;

C'est là qu'on vainc la mort et qu'on oublie le pire !

Aubes et crépuscules 2/4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant