Le jour le plus long

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Quand j'arrive au collège

Encore frais de rosée,

L'esprit tout reposé

De la nuit qui allège,

Je suis droit dans mes pas,

Le coeur ragaillardi,

Mais la grille franchie,

Alors sonne le glas.

Et le bruit de vos voix

Empêche le dialogue.

Les conflits, les tracas,

La haine : rien ne va !

C'est l'oeuvre de vos langues,

C'est le fruit de vos bras,

Qui blesse tout au coeur,

Qui fait mal, qui fait peur.

Et ce joyeux jardin

Où se sème demain

Est tout plein de violence

Et promet la souffrance :

Un qui rit entre amis

D'un qui pleure et qui crie ;

L'autre brute sourit

D'une insulte qui touche ;

Par les poings, par la bouche,

Vous meurtrissez la vie !

Alors on vous assoit

Pour vous montrer la vie

Mais bien trop peu la voient

Et mon espoir pourrit.

On vous parle d'amour

Mais vous comme des sourds

N'avez que moqueries,

Qu'insultes et bouderies.

Pour sentir le futur,

On vous tend le passé,

Mais vous froncez le nez,

Refaisant dictature.

Et quand la mort vous touche

Et vos parents vous couchent

Au fond du froid tombeau,

C'est la faute des autres,

En tout cas pas la vôtre,

C'est un hasard idiot,

Un truc inévitable,

Pas l'effet évident

De vos actes coupables :

Vous êtes innocents.

Et moi je vous regarde,

Tous autant que vous êtes,

Bouillonnants de bravades,

Sauvages comme bêtes

Et je cherche le feu

Dont on fait les promesses,

Tout au fond de vos yeux

Où ma vie se renverse.

Parfois une lueur,

Etincelle d'espoir,

Repousse un peu le noir,

Mais trop peu et j'ai peur.

Alors quand à grands cris,

Après la sonnerie,

Vous courez hors les murs

De bavure en bavure,

Je range tous mes livres,

Je range mes cahiers,

Et le soir me délivre

Son odieux secret :

Tous les dés sont jetés,

Je ne peux vous sauver.

Alors j'oublie un temps

L'absurde sacrifice

De ces millions d'enfants

Qui deviendront complices

D'un futur désolant

Et je parcours vidé

Les chemins de ma vie,

Cueillant bois et musées

Pour me payer du prix

Que coûte ce gâchis ;

Je m'emplis du beffroi

Qui se tait face aux flammes ;

L'hippodrome m'emplit

De son immortel charme ;

L'Iton, le cinéma

Ressourcent mes espoirs

Au chant doux de ces soirs

Qui n'auront pas de glas.

Et notre cathédrale

Où Dieu ne descend plus

Répare un peu le mal

De nos fois corrompues.

Au jardin botanique,

L'effort de l'ascension

M'apaise l'émotion,

Me refait pacifique

Au creux de ces allées

Où les amants toujours

Peignent de leurs baisers

Les cieux couleur amour.

Alors mes yeux se lèvent

Vers les coteaux dorés

Où le voile étoilé

Vient nous montrer ses rêves,

Et c'est rasséréné,

Tout plein d'humanité,

Que je rentre en chantant

Aimer femme et enfants.


Aubes et crépuscules 2/4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant