Je me redressais en entendant frapper à la porte d'une traite, laissant Kevin filer jusqu'à la porte d'entrée rapidement. En un rien de temps je m'étais remise sur ma chaise et n'avais pas bougé d'un pouce, ne me sentant plus totalement à ma place et me demandant surtout de qui est-ce-qu'il s'agissait. Seulement, pour une fois, je me retins d'aller fouiner, préférant ne pas m'imposer plus que je ne le faisais déjà. Je pris alors mon temps pour observer la cuisine, ce n'était pas une grande occupation, mais ça faisait passer le temps. Elle était spacieuse, lumineuse, correctement meublé, Kevin avait de l'argent et ça se voyait. Dommage qu'il ne sache pas utiliser un seul de ses appareils, me dis je en souriant.
La couleur dominante était le gris, il y avait des touches de rouge, c'était incroyablement moderne. Mon regard basculait tantôt du lave-vaisselle au frigidaire tantôt du four à l'évier inlassablement mais je m'ennuyais vite à ce petit jeu et finis par me lever. Tant pis pour mes bonnes résolutions, j'allais devenir folle à rester assise sur cette chaise. Alors je traversais la cuisine, puis le salon, à peine j'avais dépassé le canapé qu'une voix de femme m'arriva à l'oreille piquant vivement ma curiosité. J'avançais d'un pas lent et discret pour me cacher derrière l'un des murs sans me faire voir et tandis l'oreille, espérant reconnaître cette voix qui me semblait familière mais surtout entendre le sujet de la conversation. Malheureusement j'étais bien trop loin, seuls quelques onomatopées étaient reconnaissables, c'était bien trop peu pour comprendre ce qui m'intéressait.
Je soufflais d'énervement alors, frustrée de la situation. Mes sourcils se froncèrent et je pinçais mes lèvres, les bras croisés. Je sursautais lorsque la porte claqua, et n'eus pas le temps de bouger que Kevin était face à moi. En tout et pour tout la conversation avait du durer dix minutes, dix longues minutes et maintenant je voyais le regard lourd du brun sur moi. Il semblait énervé et bizarrement j'avais l'impression que ce n'était pas contre moi malgré le fait que j'avais espionné, et pas très discrètement.
-Tu vas bien ? demandais-je inquiète.
-Je viens d'apprendre que je me suis fais tromper.
-Comment ça ? Qu'est ce que tu racontes ?
-Ne me regarde pas comme ci j'étais fou, je t'en pris.
Il partir s'assoir sur son canapé où il s'accouda à l'un des rebords, posant sa main sur son front pour le masser. Je m'assis à l'autre bout du canapé, où un bon mètre nous séparait.
-Raconte moi.
-C'était Leïla, je lui avais demandé de passer parce qu'il me semblait qu'on s'était disputé avant l'accident, mais je ne me rappelais plus pourquoi, il me semblait que c'était grave et je voulais qu'elle me dise ce qu'il s'était exactement passé.
Je grimaçais en voyant le visage décontenancé du jeune homme. Il soupira bruyamment.
-Elle m'a avoué qu'on s'était sépare car elle m'avait trompé et que je l'avais appris.
-Je suis désolée pour toi.
-Je sais que tu ne l'ai pas.
-Pourquoi ne le serais je pas ?
Il souria, ce n'était pas un vrai sourire, plutôt un sourire moqueur, il se moquait de lui même et je me creusais la tête pour savoir où il voulait en venir seulement je n'avais pas eu le temps de trouver ma réponse car il me coupa de ma réflexion.
-Parce que je t'ai fais subir la même merde. Tu devrais plutôt être en train de te foutre de moi.
-Je ne suis pas comme ça, tu le sais. Et ne reparle pas de cette vieille histoire, je pensais qu'on l'avait oublié.
-Peut-être que tu l'as oublié, moi chaque fois que j'y repense je me sens terriblement mal.
En réalité je n'avais pas oublié, j'avais simplement pardonné mais je n'avais pas oublié. Ne me retenais simplement de lui dire et de l'enfoncer plus qu'il l'était en ce moment même. Le blond me lança un regard en coin, afin de voir ma réaction, mais mon visage était fermé comme d'habitude et je savais qu'il lui était impossible de savoir ce que je pensais au plus profond de moi. Ça se voyait car il était agacé et ça m'amusait énormément de le voir ainsi.
-Tu vas rester longtemps ?
-Jusqu'à ce que tu me demandes de partir j'imagine.
-Dans ce cas là tu resterais un bon bout de temps. Je n'ai pas envie que tu t'en aille.
Je sentis mes joues brûler face à ses mots touchant mais restais de marbre, je n'avais pas envie qu'il sache que ses belles phrases m'atteignaient.
-J'ai promis à Layvin qu'on mangerait ensemble ce soir.
-Tant pis alors.
-Je suis désolée.
-Arrête de l'être.
-Je ne peux pas m'en empêcher.
L'allemand toussota, se redressa, retira sa main de son front, se tourna d'un quart de tour, encra ses yeux dans les miens avant de me dire :
-Pourquoi est ce qu'on ne reprendrait pas là où nous en étions avant d'être interrompu ?
-Je ne sais pas si ça serait convenable.
-Je pense que ça le sera, ne t'en fais pas.
Que devais je faire ? Aller l'embrasser ? C'était ce que je comptais faire avant que Leïla arrive mais je me sentais soudain beaucoup moins confiante pour le faire. À vrai dire j'avais peur car je savais que ça ne mènerait à rien, ça précipitait simplement les choses, mais nous devions, au contraire, prendre notre temps. Pourtant j'avais promis de toujours l'embrasser dès que l'envie me prendrait et l'envie était là, bien présente. Alors que faire ? Mon coeur était tiraillé, presque autant que mon cerveau et mon estomac, complètement retourné. J'avais l'impression de réfléchir depuis une éternité tant le regard de Kevin se faisait pesant sur tout mon être.
-Tu finiras folle à tant réfléchir. Quand seras tu enfin agir en fonction de tes sentiments ?
-Quand je serais sûre de ceux ci.
-Combien de temps est ce qu'il te faudra ?
-Beaucoup.
-Alors j'attendrais.
-Et toi qu'est ce que tu ressens ?
-On ne parle pas de moi là...
-Tu vois ! Toi tu fuis. Moi je prend mon temps et toi tu fuis, on n'est pas rendu je te le dis, déclarais je en rigolant.
Un sourire apparut sur son visage, l'illuminant entièrement.
-Tu penses qu'un jour on réussira à être heureux ? Comme au début ?
-J'en sais rien Kevin. Peut-être. Nous le méritons après tout.
