Bonus 04 (4/6) - La lanterne

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1er Flammeciel, quartier commerçant, cité vampire de Shakel Town.

La boutique que le prince Iseldur lui avait conseillée était située au pied des remparts du château, dans l'une des principales rues commerçantes de la cité. Au-dessus des vitrines illuminées par des dizaines de lampes et de bougies, une enseigne proclamait « Aux Flammes de mon Cœur », un nom tout à fait approprié pour une boutique qui vendait en très grande partie des bougies de demande d'union.

Fort des conseils du prince et de la présence de Ketil à ses côtés, Yrjö poussa la porte pour entrer dans une pièce incroyablement lumineuse. Il n'y avait pas tant de lampes allumées qu'on aurait pu le croire au premier abord, mais elles étaient placées de manière judicieuse, avec des lanternes ou des abat-jour en miroir qui reflétaient la lumière un peu partout. Contre les murs, des étagères proposaient des dizaines de bougies différentes, avec de nombreux accessoires pour les accompagner, allant des lanternes aux briquets en passant par les coupelles, les photophores et les éteignoirs.

La propriétaire de la boutique, une Vampire souriante qui s'était réfugiée à Shakel Town à la suite du Grand Blizzard et n'en était jamais partie, vint à leur rencontre tandis qu'un apprenti humain s'occupait d'un client déjà présent.

— Bienvenue, les accueillit-elle. Que puis-je pour vous ?

— C'est pour une demande d'union, expliqua Yrjö en rougissant un peu.

— Ooh, vous avez frappé à la bonne porte ! Dites-moi tout ! Quel genre d'union souhaitez-vous demander ?

Maîtrisant son appréhension, Yrjö lui expliqua ce qu'il cherchait en mentionnant la raison pour laquelle le prince Iseldur lui avait conseillé de venir dans cette boutique en particulier.

— Le Capitaine Styrmir, rien que ça ! rit la Vampire lorsqu'il se tut. C'est un grand honneur pour moi d'être celle qui fournira la bougie d'une telle demande. Sans lui, je ne serais pas ici et ma famille non plus. Voyons... venez avec moi, voulez-vous ?

Avec grâce, elle les mena au travers de la boutique et tout ce qu'Yrjö eut le temps de faire fut d'échanger un regard avec Ketil qui se contenta de lui sourire en haussant les épaules. La Vampire s'arrêta devant une étagère qui présentait de ravissantes petites lanternes colorées.

— Son Altesse Iseldur vous a très bien renseignés, la coutume de Falconskot reposait sur ces lanternes. Autrefois, elles symbolisaient la volonté que l'on avait de préserver la flamme de la demande, tout en ajoutant des couleurs joyeuses pour montrer que la vie est plus belle lorsque l'on est amoureux. Aujourd'hui, la plupart des gens m'achètent ces lanternes pour donner un petit côté original à leur demande, ou bien parce que leur tribu est originaire de Falconskot, mais peu s'attardent à leur réelle signification.

— Je ne connais pas très bien les symboliques des couleurs, s'excusa Yrjö. Mais je pensais... peut-être choisir les bleu et or de ma tribu ?

— C'est une excellente idée, il faut que ces couleurs vous parlent à vous particulièrement, parce que c'est la lanterne que vous apportez pour protéger votre bougie. Tous les modèles qui sont ici sont uniques et prêts à l'emploi, mais si vous avez quelques jours devant vous je peux vous en peindre une au motif que vous souhaitez.

Après une brève hésitation, Yrjö accepta la suggestion. S'il voulait faire les choses correctement, il devait prêter attention aux détails. Il choisit donc soigneusement le modèle de lanterne qu'il voulait, toute ronde avec des vitres ovales, puis indiqua à la Vampire quelle était sa tribu afin qu'elle puisse peindre les motifs correspondants.

— Bien, voilà qui est noté, sourit-elle. À présent, passons au plus important : quelle bougie voulez-vous ? Toutes nos bougies sont fabriquées en suif de mammouth purifié à la lumière des trois lunes, garanties sans odeur et sans fumée.

La tradition voulait que les bougies soient blanches pour les Humains et rouges pour les Vampires. Ketil lui avait expliqué que, lorsque Njola et Morgun l'avaient demandé en mariage, elles lui avaient offert chacune une bougie rouge. Pour demander la main de Styrmir, Yrjö devait donc en choisir une blanche. Il peinait encore à croire qu'il était réellement en train de faire ça et réalisait qu'il souriait doucement depuis tout à l'heure.

— Quelles sont les bougies qui conviendraient le mieux à la lanterne que j'ai choisie ? demanda-t-il. Pas de cierge et pas de pot en verre, je suppose.

Jusque-là, il n'avait jamais vraiment eu conscience d'à quel point le choix d'une bougie de demande d'union était complexe, et combien les possibilités étaient variées et nombreuses. Au moins, il était plutôt bien entouré, entre Ketil qui était déjà passé par-là et la Vampire qui connaissait très bien son sujet.

Une heure plus tard, Yrjö et Ketil quittèrent enfin la boutique sur la promesse de revenir à la fin de la semaine pour récupérer la lanterne tout juste peinte et la bougie blanche qu'elle renfermerait. En sortant dans le froid de la rue, Yrjö avait envie de danser et il se frotta les mains pour s'empêcher de sauter sur place.

— Que dirais-tu d'aller boire un chocolat chaud pour discuter de la suite des évènements ? offrit Ketil. Il reste encore beaucoup à planifier.

Ils s'installèrent dans un salon de thé un peu plus loin dans la rue, certains de ne pas risquer d'être entendus par des oreilles indiscrètes qui pourraient ruiner la surprise. Le plus important restait encore à décider et Yrjö était heureux de pouvoir compter sur Ketil pour l'aider en plus de sa famille.

— Alors, la question à cent mille setiv, sourit ce dernier depuis sa tasse fumante. Quand est-ce que tu vas faire ta demande ?

— C'est pour ça qu'on est là, non ? répliqua Yrjö en souriant. Pour décider du moment propice. J'ai du mal à choisir, parce que d'un côté j'aimerais que ça ne soit qu'entre Styrmir et moi, et de l'autre je voudrais que tout le monde sache que j'ai demandé sa main dans les règles de l'art, comme il le mérite.

— Il y a le Bal de la Nuit dans un mois, proposa Ketil. Mais ce serait peut-être un peu trop public, pour le coup.

— Trop public, mais il y a moyen d'en jouer. Si je fais ma demande avant et que Styrmir accepte...

— Il acceptera, coupa Ketil. Sans aucun bon sang de doute. Vous serez liés avant l'Aurore, j'en mettrais ma main à couper.

Ce n'était pas la première fois qu'ils avaient cette conversation, mais Yrjö ne pouvait s'empêcher d'avoir quelques instants de frayeur bien naturels qui disparaissaient aussi vite qu'ils étaient apparus.

— Bien, reprit-il, si je fais ma demande avant le Bal de la Nuit, rien ne nous empêche d'en faire un rappel ce soir-là, pour que tout le monde soit au courant, sans doute possible. Mais ça, il faudra que je lui en parle d'abord.

Cela lui laissait trois bonnes semaines pour trouver une date adéquate, qui lui permettrait d'offrir sa bougie à Styrmir en présence de suffisamment de personnes pour que les rumeurs se répandent et pour prouver qu'il était fier et heureux d'afficher son amour. En espérant que l'appréhension et les doutes ne l'achèvent pas avant, ou qu'il ne craque pas et fasse sa demande sitôt la lanterne reçue, dans l'intimité de leurs appartements. Cela gâcherait tout son effet, même si le plus important était de toucher Styrmir et lui seul. En vérité, Yrjö se fichait bien de l'avis des autres, la seule chose qui comptait à ses yeux était de prouver à son amant combien il était sincère et à quel point il l'aimait.

Au secours de l'Arwen [Wattys2022]Where stories live. Discover now