14 - L'Arwen

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« Les perles bleues d'Arywenn ont la particularité de faire de très bons talismans communicants. Les bijoux ornés de ces perles sont très appréciés des couples aqualys qui les enchantent pour véhiculer des émotions simples d'un bijou à l'autre. »

« Les perles bleues d'Arywenn », dans Magie Basique des Aqualys, par Llyr Akamu.

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23 fauchemoisson, à bord de l'Arwen, quelque part dans le pack au nord-est du Wolfyre.

Debout sur le pont malgré l'heure tardive, Moreig gardait les yeux fixés sur l'immense étendue de glace qui entourait l'Arwen de toutes parts. Ils avaient continué à dériver vers le nord-ouest, de manière plus ou moins constante, au gré des vents et des courants. La mauvaise nouvelle, c'est que cela les éloignait de l'eau libre et de l'océan. La bonne, c'est qu'ils se rapprochaient ainsi de la banquise solide et donc du continent. D'une façon ou d'une autre, ils parviendraient à rentrer chez eux.

À cette heure-ci, tout le monde dormait. Les passagers étaient inquiets mais s'en remettaient à son expérience. Son équipage se montrait un peu plus soucieux, plus conscient de la précarité de leur situation, mais ils savaient tous qu'ils n'étaient plus en position de faire quoi que ce soit, si ce n'était attendre que quelque chose se passe. Ils rationnaient leurs vivres, ne consommant que le strict nécessaire, et tout le matériel indispensable avait été chargé dans l'un des deux canots de secours, afin de pouvoir être évacué du bateau le plus vite possible. Ce n'était qu'une question de jours avant que la coque de l'Arwen ne cède sous la pression de la glace et Moreig en avait le cœur tout aussi serré. C'était son navire, celui qu'il avait acheté et fait construire avec Fareì, celui sur lequel ils avaient bâti leur commerce, sur lequel ils avaient navigué des centaines de fois. Mais à présent ce malheureux bateau était condamné et la seule chose qu'il pouvait y faire, en tant que capitaine, était de s'assurer qu'il n'emporte aucune vie avec lui.

Tout était prêt pour le moment où c'en serait trop, ils avaient répété l'évacuation du navire des dizaines de fois, comme une sinistre pièce de théâtre. Chacun savait ce qu'il avait à faire et ils étaient aussi préparés que possible. Il ne leur restait plus qu'à attendre le moment fatidique, en tâchant de conserver leurs forces et leur courage.

Malgré tout, il ne perdait pas espoir. Emjani lui avait assuré que son message avait atteint son frère et donc Fareì et Inarsyl avec lui. Moreig connaissait son compagnon, il savait que Fareì remuerait ciel et terre pour venir à leur secours, tout comme lui le ferait pour lui. C'était pour cela qu'il avait donné toutes les informations en sa possession à Emjani pour son message, parce qu'il savait que Fareì trouverait le moyen de les secourir. Comme pour le reste, il fallait seulement prendre son mal en patience.

Par habitude, il prit le pendentif qu'il gardait toujours sur son cœur, identique à celui qu'il avait offert à Fareì. C'était à la fois un gage d'amour et une sorte de pont entre eux, qui leur donnait de la force lorsqu'ils étaient séparés. Fait de corail entourant une perle bleue d'Arywenn, il ne l'avait jamais quitté mais ce soir, quelque chose le fit tiquer. Au lieu d'être frais contre sa peau, le pendentif était tout chaud, bien plus chaud qu'il n'aurait pu l'être avec sa simple chaleur corporelle. C'était une sensation réconfortante, comme un feu de bois, et il comprit tout de suite que cela provenait de Fareì. L'enchantement des pendentifs était faible, cependant il suffisait souvent à véhiculer une émotion forte. Et ce soir, il rayonnait d'amour et de confiance, émanant de son époux. Moreig sourit largement, le cœur battant soudain plus vite. Fareì lui faisait parvenir un message, lui assurait qu'il venait à son secours, que tout irait bien. Et Moreig avait foi en lui.

— Je t'attends, mon amour, murmura-t-il au mince croissant de Jani. Mais je t'en prie... fais vite !

Au secours de l'Arwen [Wattys2022]Where stories live. Discover now