23 - Vers la Barrière

159 23 0
                                    

« La Barrière est en quelque sorte la limite du monde. Au-delà se trouve la banquise et, en dessous, l'océan. Gigantesque falaise de roche recouverte de glace, elle s'étend du nord de la Dorsale jusqu'à l'océan Venteux. Il est possible de la franchir par endroit, notamment par l'Escalier de Givremarche, près de Falconskot, et par la Cascade Morte plus à l'est. »

« Le Wolfyre », par Astrid Wieanson,
dans Atlas du Monde, vol. 1, Estynia.

***

2 flammeciel, ruines de la cité vampire de Falconskot.

Une grande partie de la journée fila sans que le blizzard ne montre le moindre signe d'accalmie. Malgré toute l'inventivité de Njola et Morgun, la tension montait. Il était évident que Styrmir était sur les nerfs et n'avait pas dormi de la nuit, qu'Yrjö peinait à tenir en place et qu'ils avaient tous terriblement hâte de repartir parce qu'ils ne pouvaient s'empêcher de penser aux naufragés qui étaient peut-être eux aussi dans la tourmente.

Aussi, lorsque le vent cessa enfin de hurler, personne ne perdit de temps à hésiter et le camp fut démonté en une poignée de minutes.

— Il faudra être très prudents lorsque nous quitterons l'abri, prévint Yrjö. Non seulement la poudreuse va être épaisse, mais en plus nous risquons un blanc-dehors très prononcé. Il ne faudra se détacher du traîneau sous aucun prétexte, d'accord ?

Puisque personne n'avait envie de se perdre dans la neige et le froid, tout le monde hocha sagement la tête. Le traîneau fut vérifié une dernière fois puis, Taïga en tête, ils s'apprêtèrent à quitter le palais et à découvrir ce qui les attendait à l'extérieur.

Tout était blanc. Absolument tout. Comme si le paysage avait été effacé et qu'il ne restait qu'une feuille de papier, vierge et immaculée. Il n'y avait plus aucune différence entre le ciel et le sol, entre devant et derrière, tout était pareil et entièrement blanc.

— Comment allons-nous nous repérer là-dedans ? s'effraya Inarsyl. Je vois à peine Yrjö !

— Le blanc-dehors devrait se lever lorsque nous arriverons à la Barrière, assura ce dernier. Quant à la direction... nous avons Taïga et une boussole. Cela suffira amplement.

En temps normal — ou plutôt dans de bonnes conditions — il fallait à peine deux heures pour atteindre la Barrière depuis Falconskot. Mais avec un temps pareil ? Ils seraient chanceux s'ils y parvenaient avant le soir. Cependant, Yrjö ne montra pas la moindre hésitation lorsqu'il leur fit signe de chausser les raquettes.

— Cela nous permettra d'avancer plus facilement dans la poudreuse, sans nous enfoncer jusqu'aux genoux.

Au moins, le temps qu'ils perdraient en marchant avec les raquettes compenserait le temps gagné en évitant de patauger dans la poudreuse. Tirant son amulette de son col, Yrjö l'embrassa pour leur porter chance, ajoutant une petite prière au passage, puis il donna le signal du départ.

Ce fut pénible et laborieux. Le blanc-dehors était épuisant pour les yeux qui essayaient désespérément de trouver un point de repère, et la poudreuse rendait chaque pas plus difficile que le précédent. Seuls Aeled et Inarsyl s'en tiraient à peu près bien, parce qu'ils étaient suffisamment légers pour ne pas s'enfoncer dans la neige. Styrmir le remarqua et songea à en parler à Yrjö une fois sur la Barrière, afin qu'il change leur disposition pour placer les deux Elfes devant où ils seraient plus efficaces.

Ils marchaient depuis au moins deux heures — difficile à dire sans véritable repère — lorsque des rires s'élevèrent autour d'eux. C'étaient des rires aigus et inhumains, qui semèrent une vague de peur dans leur petit groupe comme un frisson.

Au secours de l'Arwen [Wattys2022]Where stories live. Discover now