Au secours de l'Arwen [Wattys2022]

28 - Roses des Glaces

« Parmi les merveilles naturelles de ce monde, les Roses des Glaces sont particulièrement remarquables. Formées par les vents doux du Désert de Glace qui amoncellent des cristaux de neige en délicates formations de givre ressemblant à des roses, elles gèlent peu à peu jusqu'à devenir parfaitement transparentes, comme du diamant. La lumière des lunes les gorge de magie, qui les rend tout à fait indestructibles. »

Petit guide des joyaux de Thyärn, par Adebowale Nneka.

***

6 Flammeciel, quelque part dans le Désert de Glace.

Le matin apporta avec lui deux mauvaises nouvelles. Le vent qui avait soufflé faiblement durant toute la nuit avait poussé la neige contre les tentes, les recouvrant partiellement, et il fallut creuser pour parvenir à en sortir. Ce fut pénible et désagréable, parce que la neige se glissait dans la tente, mouillant les sacs de couchage et trempant leurs vêtements qui avaient plus ou moins séché durant la nuit. Lorsque les Vampires et Yrjö parvinrent enfin à se libérer de leur tente, ce fut pour découvrir Fareì debout dans la lumière dorée du Crépuscule, le visage pâle et les yeux hagards. Des larmes avaient gelé sur ses cils et Yrjö échangea un regard de pure panique avec Styrmir avant que le capitaine ne s'approche doucement.

— Que se passe-t-il ? demanda ce dernier avec tout le calme qu'il put réunir.

— Je... je crois que l'Arwen a coulé, bredouilla Fareì d'une voix creuse. Je sens la peine de Moreig qui rayonne dans le médaillon, comme s'il avait pleuré toute la nuit.

— Il est toujours vivant, ajouta Inarsyl qui avait deviné leurs craintes. Seulement en proie à un terrible chagrin. Ce qui veut dire que, soit quelqu'un a perdu la vie, soit le navire a coulé.

— Quoi qu'il en soit, nous ne devons pas rester là, trancha Yrjö. Chaque minute qui passe est une minute perdue. Le temps est idéal ce matin, avec la petite brise fraîche venant de l'ouest. Nous devrions avancer vite et sans encombre.

Il n'en fallut pas davantage pour que Fareì se ressaisisse et aide à la préparation du petit déjeuner. Une sorte de sentiment d'urgence les habitait désormais, et ils ne traînèrent pas à boire leur thé et à démonter les tentes. Une heure plus tard, ils étaient de nouveau en route.

Comme l'avait indiqué Yrjö, les conditions météo étaient parfaites, avec la chaude lumière du soleil, la petite brise d'ouest et le sol plat balayé par des vents trop calmes pour former des sastrugi. Ils avançaient d'un bon pas, toujours précédés de Taïga, marchant droit vers le pack et les malheureux naufragés dont ils se rapprochaient à chaque pas. En milieu de matinée, des éclats de lumière vive sur la neige interpellèrent les Elfes qui se tournèrent vers Yrjö pour l'interroger.

— Savez-vous ce que cela peut être ?

— D'aussi loin, je ne suis pas certain. Mais lorsque nous serons plus près, je pourrai vous le dire.

Quoi que ce soit, cela étincelait au soleil comme si une étoile était tombée du ciel. Et puis ils furent assez proches pour voir ce dont il s'agissait et Yrjö retint un rire en entendant Inarsyl retenir un juron.

— Des Roses des Glaces ! s'écria Aeled avec incrédulité et émerveillement. Je n'en ai jamais vu d'aussi belles ! Ni autant au même endroit !

Comme des choux dans un potager, elles étaient éparpillées sur le sol, de toutes les tailles et de toutes les formes. Leurs arêtes tranchantes, semblables à des pétales — ce qui leur avait valu leur nom — reflétaient la lumière du soleil en éclats vifs qui en devenaient éblouissants. Yrjö savait que cela valait une fortune sur tous les marchés du monde, tant pour leur rareté que pour leur beauté. Formées par le vent qui solidifiait des cristaux de neige en formes éthérées, elles se solidifiaient sous la lumière des trois lunes, jusqu'à devenir aussi solides que du diamant. Quelques trappeurs courageux partaient chaque année en ramasser dans le Désert de Glace — seul endroit où l'on pouvait en trouver — mais il était extrêmement rare qu'ils en rapportent d'aussi belles.