43 - La voix d'un Murmure

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« Certaines légendes prétendent que des Murmures peuvent guider les voyageurs égarés vers la sécurité au lieu de chercher à les perdre davantage encore. Ceux qui racontent avoir vécu semblable aventure assurent que le Murmure qui les accompagnait avait la voix d'un être cher disparu, qui un parent, qui un ami. Cependant, ces récits sont largement minoritaires face à tous les témoignages de voyageurs qui se sont perdus dans la neige et le froid à cause d'un Murmure qui les a attirés. »

« Les Murmures », dans Les dangers du nord, par Njola Ingerson.

***

25 Flammeciel, près des ruines du village de Byrdsen, gorges de la Vivace.

Les dernières bourrasques du blizzard qui les avait retenus le 22 à Ernsen soufflaient encore lorsqu'ils quittèrent Byrdsen au matin. La veille, ils avaient marché toute la journée contre le vent, essayant vaguement de rattraper leur retard sans grand espoir. Déjà le 23, quand ils avaient enfin pu quitter Ernsen, ils avaient eu toutes les peines du monde à atteindre Robean dans l'obscurité quasi complète du rideau épais de neige. Leur bivouac leur avait permis de prendre quelques heures de repos mais leurs vêtements n'avaient pas vraiment pu sécher et ils étaient tous transis jusqu'aux os.

Il en avait été de même à Byrdsen, qu'ils avaient atteint assez tard la veille au soir, après une traversée compliquée de la Vivace dont le pont était entièrement givré. Ils avaient évité plusieurs chutes douloureuses de justesse et Njola était presque sûre d'avoir une légère entorse à la cheville à cause d'une mauvaise glissade que Morgun avait rattrapé comme elle avait pu. Pour permettre aux Humaines et à Nyaelle de tenir debout, Yrjö leur avait confié les dernières potions fortifiantes et avait encore diminué ses propres rations. Styrmir avait froncé les sourcils mais ne le lui avait pas reproché, ce qui prouvait bien à quel point leur situation était peu enviable.

Désormais, seuls les Vampires tiraient le traîneau. De toute manière, sans les vivres, le chargement était bien moins conséquent et ils parvenaient à le tracter à cinq sans trop s'épuiser. Ils avaient décidé que Nyaelle et les Humaines se relaieraient pour monter sur le traîneau une heure ou deux et économiser leurs forces, Taïga couchée contre elles pour les réchauffer. Sur les côtés, les Elfes avaient les oreilles en berne et grelottaient dans leurs manteaux, et Fareì et Moreig se soutenaient mutuellement en peinant à mettre un pied devant l'autre. Quant à Yrjö, il avait conscience de ne plus tenir que par la force du désespoir.

Chaque pas en avant était une victoire et il se concentrait sur ses mouvements, la tête lourde et embrumée d'épuisement et de faim. Ses orteils étaient tellement engourdis qu'ils en étaient douloureux et il avait un mal fou à plier les doigts, alors qu'ils n'avaient pas quitté Byrdsen depuis plus de deux heures. La seule chose qui le maintenait debout était la volonté de rentrer à la maison avec tout le monde et le poids de sa responsabilité. Il était le chef de cette expédition et il allait revenir sain et sauf, aucune autre alternative n'était acceptable.

À cause du blizzard qui s'achevait lentement, l'effet de chasse-neige était terrible, réduisant toute visibilité à néant. S'il avait fait jour, le blanc-dehors aurait été éblouissant. À la place ils n'avaient que la Nuit noire, opaque et glaciale. Se repérer était extrêmement difficile et Yrjö était soulagé qu'ils aient enfin quitté les reliefs accidentés des gorges de la Vivace pour entrer sur les terres plus planes de Shakel Town. Malgré tout, le faible halo de sa pierre de lune n'éclairait pas beaucoup plus loin que ses pieds et il devait sans cesse vérifier qu'il avançait dans la bonne direction. Toutefois, à cause de son épuisement extrême, il peinait de plus en plus à réfléchir, au point qu'il faillit s'arrêter brusquement, ne sachant plus du tout où il était.

Au secours de l'Arwen [Wattys2022]Where stories live. Discover now