26 - Péril Blanc

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« Il peut paraître assez surprenant que deux régions aussi différentes que la Terre du Soleil et le Wolfyre abritent des prédateurs similaires. Les raies des sables que l'on rencontre dans le Désert d'Ambre et les raies des neiges qui hantent le Désert de Glace sont deux sous-espèces de la même famille, avec un mode de prédation identique. »

Les raies, par Rahim al-Shafiqa et Steinir Brokson.

***

5 Flammeciel, au pied de la Barrière, Désert de Glace.

Le vent était un peu retombé lorsqu'ils levèrent le camp, atténuant l'impression de froid. Avec le soleil qui donnait sur eux, ils commençaient même à avoir un peu chaud. Mais en l'absence de vent, la neige se faisait plus épaisse et entravait leur progression. Sans la légèreté d'Inarsyl et Aeled qui pouvaient amorcer la traction du traîneau sur la poudreuse, Yrjö savait qu'ils auraient avancé deux fois moins vite. Malgré tout, chaque pas était pénible parce qu'ils s'enfonçaient parfois jusqu'au genoux — même avec leurs raquettes — et devaient lutter pour dégager leurs pieds et avancer. Sans la protection de leurs bottes, Yrjö savait qu'ils se seraient écorché les chevilles sur les bords coupants de la glace qui se cachait sous la neige. Le cuir et la fourrure les protégeaient, mais n'allégeaient en rien leur démarche.

Aussi, lorsque le vent se remit à souffler en milieu de journée, ce fut un soulagement pour tout le monde. Certes, il s'engouffrait dans leurs vêtements et gelait leur transpiration sur eux, mais au moins il chassait la neige et facilitait leur progression. Du moins... jusqu'à ce que les sastrugi commencent à prendre de la hauteur. Ces petites dunes de glace, formées par la neige poussée par le vent, dessinaient des vagues dans le sens des vents dominants. Les premières qu'ils avaient eu à franchir ne s'élevaient que d'une poignée de centimètres mais plus ils avançaient et plus le relief gagnait en hauteur, les obligeant à contourner les plus hauts.

— Ils peuvent atteindre une dizaine de mètres de hauteur, grogna Yrjö. Essayons de suivre le pied, mais nous allons devoir nous éloigner de la Barrière.

— De toute manière nous devrions marcher vers le nord, intervint Fareì en touchant son médaillon.

— Alors allons-y, acquiesça le trappeur.

Le problème, c'est qu'en obliquant vers le nord, ils avançaient désormais en partie contre le vent et devaient donc se faufiler entre les sastrugi dont la neige des sommets s'envolait vers eux. Cela n'améliorait ni leur progression, ni leur visibilité. Cependant, ils n'avaient d'autre choix que de persévérer et continuer à avancer, quelle que soit leur allure. Les sastrugi continuaient à gagner en hauteur et l'effet de chasse-neige s'accentuait, les cristaux de glace piquant leurs visages comme autant d'aiguilles, ce qui les forçait à garder les yeux à demi ouvert pour les protéger.

C'est sans doute à cause de ça qu'Yrjö ne repéra pas tout de suite les premiers mouvements sous la neige. Ils progressaient difficilement entre deux sastrugi haut de plusieurs mètres lorsque Taïga se mit à aboyer frénétiquement en revenant vers eux. Immédiatement sur ses gardes, le traqueur releva la tête pour observer les alentours, croisant au passage le regard déterminé de Styrmir.

— Qu'est-ce que c'est ? interrogea calmement Morgun en posant la main sur le manche de sa hache.

Avant même qu'Yrjö ne puisse ouvrir la bouche pour répondre, un chuintement retentit sur le sastrugi à leur droite et la neige parut bouger d'elle-même, contre le vent. Un même juron échappa à Styrmir et Yrjö qui reconnurent la menace avant qu'elle ne se dévoile. La neige ondula, formant des vagues rapides, avant de révéler une large gueule bardée de dents acérées.

Au secours de l'Arwen [Wattys2022]Where stories live. Discover now