Avec une semaine aussi difficile, c'était un grand soulagement pour moi de quitter Poudlard tous les après-midi aussitôt après la fin des classes. Pendant que Bella retournait à l'école durant la soirée pour faire ses devoirs avec Hermione, je demeurais à Venlaw pour pratiquer mon bouclier avec Jasper, Rosalie et Alice. Emmett restait assis à l'écart et offrait quelques quolibets ici et là, mais après s'être lamenté avec insistance, nous finîmes par lui donner sa chance avec le chalumeau.
Jasper avait eu raison de ne pas lui faire confiance. Contrairement à Rosalie, qui variait l'intensité de la flamme en la bougeant partout à la surface du bouclier, créant à l'occasion des explosions plus puissantes tout en restant devant moi, Emmett décida que mon entraînement nécessitait un élément 'physique' additionnel. Tandis qu'il essayait de me mettre en feu à travers le bouclier, il se baissa rapidement et attrapa mes jambes pour me faire trébucher.
« Hé là, qu'est-ce qui te prend ? » Me plaignis-je ouvertement alors qu'il se tenait au-dessus de moi, le chalumeau dans sa main.
« Crois-tu que le dragon va se contenter de rester devant toi et envoyer ses flammes dans ta direction ? Tu dois te préparer pour une attaque physique aussi, » dit-il en souriant malicieusement.
« C'est ridicule ! Jasper, demande à Rosalie qu'elle revienne prendre la place d'Emmett, » protestai-je.
« En fait, Edward, il a un point. Tu comptes sur ta capacité d'entendre tes adversaires réfléchir à leur prochain mouvement avant de le faire. En te concentrant sur le bouclier, tu es moins en phase avec cette compétence... Je pense que c'est une bonne pratique. »
Alors maintenant je devais combattre un Emmett triomphal qui tenait un flambeau dans une main et qui était motivé à profiter de mon manque de concentration.
« C'est amusant, » gloussa-t-il. « Tu trichais toujours avant. Maintenant on est comme sur un pied d'égalité. »
« C'est seulement ce que tu souhaites, » rétorquai-je en prenant une minute pour écouter son plan de sauter par-dessus ma tête et m'attaquer par derrière. Je le suivis avec le bouclier entre nous, me retournant pour le surprendre juste avant son atterrissage, et je le projetai dans un arbre à quinze mètres de distance.
« Très bien, » commenta Jasper... Cette percée s'était produite le vendredi. J'avais été en mesure de garder mon bouclier à pleine puissance et d'entendre mon adversaire. « Je pense que nous allons être prêts pour Cedric demain. » Je n'en étais pas si sûr, mais il ne me restait que 19 jours avant la première épreuve.
Le lendemain, nous nous réunîmes à nouveau sur la pelouse. Cedric nous avait rejoints après une excursion au village avec le reste des élèves de Poudlard. J'avais encouragé Bella à y aller avec eux... Hermione s'était plainte que Harry ne voulait rien savoir d'une réconciliation avec Ron, et Bella se demandait si elle pouvait aider. Cependant, lorsqu'elle entendit ce que nous avions l'intention de faire avec Cedric, elle refusa de quitter Venlaw. Elle refusa également de nous regarder, et elle demeura à l'intérieur, transformée en boule de nerfs.
« Bon, Cedric, on a besoin de toi pour tester le bouclier d'Edward, » déclara Jasper tandis que nous nous réunissions sur la pelouse, exactement une semaine après que la Coupe de Feu m'ait désigné comme l'un des champions.
Nous nous préparions pour le premier véritable test avec mon bouclier.
« À présent, nous voulons nous assurer que le bouclier soit assez puissant pour affronter le feu des sorciers sans être fatal à Edward, » continua Jasper en choisissant bien ses mots.
« Oui, ne pas me tuer serait préférable ! »
Cedric sourit. « Je vais essayer ! »
« Alors Edward va produire le bouclier, et ensuite il va aller se mettre à l'abri derrière ce gros rocher. Je veux que tu lances le feu des sorciers sur le rocher. De cette façon, si le feu passe à travers le bouclier, Edward devrait quand même être protégé, » expliqua Jasper.
« Devrait ? » Demandai-je avec hésitation. Peut-être que nous devrions nous informer auprès de Dumbledore à ce sujet.
« Ne t'inquiète pas, Edward, je ne vais pas te toucher, » me rassura Cedric.
J'allai me placer derrière le rocher qu'Emmett avait ramassé dans la forêt plus tôt dans la journée, avant l'arrivée de Cedric, et transporté sur le terrain pour les besoins de l'exercice. Avec un petit mouvement de poignet, je fis apparaître mon bouclier. Je m'accroupis et tendis le bouclier d'un seul bras. Même ce simple geste pouvait mettre fin à mon existence. Si le feu ne frappait que mon bras, il pourrait enflammer le venin et je me consumerais de l'intérieur.
« Est-ce que tu es prêt, Edward ? » Me demanda Cedric.
« Aussi prêt que je le serai jamais – assure-toi seulement de ne pas me frapper, » répondis-je.
« Voilà, ça vient. »
J'entendis un crépitement et vis un éclair de lumière aveuglante. Puis je sentis ma concentration s'évanouir alors que le feu frappait mon bouclier, faisant une brève pause avant de le brûler comme s'il était fait de matière inflammable. Le rocher se mit à vibrer en absorbant l'impact. Je pouvais sentir la chaleur à travers le granit de l'autre côté.
« Eh bien, c'est plutôt décourageant, » commenta Jasper.
« Pourquoi n'utilises-tu pas le sortilège du Patronus ? » Suggéra Cedric.
« Je ne pense pas que celui-là ait été pré programmé dans la baguette, » répondis-je, incertain, en me relevant.
« Est-ce que tu as pu l'arrêter un peu ? » S'enquit Jasper.
« J'ai senti le feu hésiter en frappant le bouclier, mais seulement pour environ quatre dixièmes de seconde, et ensuite il a brûlé au travers. »
« Bon, c'est un début, » dit Jasper.
« Euh, comment pouvez-vous être si précis ? » Questionna Cedric.
« Oh, je plaisantais... Je voulais seulement dire que ça avait duré quelques secondes tout au plus, » répliquai-je. Pendant un moment j'avais oublié que Cedric croyait que nous étions des moldus, et non des vampires. Je laissais tomber ma garde ici, dans notre lieu de résidence temporaire. Il faudrait que je fasse plus attention quand Cedric était dans les parages.
« Oh... eh bien, veux-tu essayer encore ? »
« Il le faut bien, » répondis-je. Je remis le bouclier, cette fois-ci en me concentrant plus intensément. Je m'accroupis derrière le rocher. « Okay, je suis prêt. »
Comme précédemment, j'entendis le crépitement et aperçus l'éclair de lumière. Je me concentrai encore plus fort en sentant le feu heurter mon bouclier. Celui-ci tint bon pendant 12 secondes avant de céder à la flamme.
« Hé, je t'ai vraiment vu stopper ce coup là, » s'exclama Cedric.
« Oui, j'ai senti le bouclier tenir bon plus longtemps, peut-être quelques secondes, avant qu'il ne cède le passage au feu, » répliquai-je.
« On le fait encore ? » Demanda-t-il.
J'étais épuisé. Ces deux rafales m'avaient siphonné autant d'énergie que le premier jour de pratique en entier. Je croyais que j'avais gagné de l'endurance au cours de la semaine, mais en ce moment j'avais l'impression de ne pas avoir progressé.
« Donne-moi une minute, » dis-je en m'asseyant sur le rocher.
« Ça te demande beaucoup d'énergie, pas vrai ? »
« Plus que ce à quoi je suis habitué... Je suis habituellement plus résilient que ça, » admis-je.
« C'est sans doute parce que tu ne possèdes aucune magie pour alimenter ta source d'énergie, » proposa-t-il, faisant écho à la supposition de Carlisle, dimanche après les premiers essais.
« Tu as probablement raison, » répondis-je en prenant de grandes bouffées d'air pour essayer de vider mon esprit.
« As-tu réfléchi à un moyen de contourner le dragon ? » Demanda-t-il alors.
« En fait nous avons seulement mis l'emphase sur le moyen pour moi de ne pas me faire tuer. Nous n'avons pas encore envisagé cette partie-là. » Et maintenant, il ne me restait que 18 jours... « As-tu une idée à me suggérer? »
« Si tu pouvais l'éloigner ou le distraire, tu aurais la voie libre, » dit-il.
« Mais encore ? Comment suis-je censé m'y prendre ? »
Cedric haussa les épaules et nous demeurâmes silencieux pendant un moment.
J'inspirai profondément. « D'accord, allons-y une autre fois. »
Je me remis en position derrière le rocher, produisis mon bouclier, et me concentrai très fort. J'essayai consciemment de bloquer toutes les pensées inutiles, les autres parties de mon cerveau qui auraient normalement eu d'autres tâches à accomplir – comme la partie qui était constamment à l'affut des menaces possibles, celle qui prêtait attention à la présence d'humains, celle qui régissait ma respiration superflue. Je sentis mon bouclier se renforcer. Je m'accroupis comme tout à l'heure. « D'accord, vas-y. »
Cette fois-ci, lorsque je sentis le feu frapper mon écran protecteur, je perçus la puissance accrue de celui-ci. L'utilisation d'une plus grande partie de mon esprit faisait une énorme différence. Le bouclier bloqua le feu durant une minute, trente-sept secondes.
« Beaucoup mieux... beaucoup, beaucoup mieux, » entendis-je Jasper s'exclamer.
« J'ai une idée, mais nous devons le refaire, » dis-je, même si j'étais crevé. J'avais pensé à un truc, et il me tardait de vérifier s'il allait fonctionner. Je fis apparaître mon bouclier, et cette fois-ci je bloquai toutes les autres fonctions – tous les autres processus... coupant en dernier lieu la partie de mon esprit qui surveillait constamment les activités de ma famille et de Bella. À cet instant, je me sentis étrangement seul, mais également concentré au maximum. Mon seul but, ma pensée unique, était le bouclier. Tout le reste avait disparu. Je me penchai derrière la grosse roche.
Quand le feu frappa mon bouclier, je pus percevoir la différence au niveau de sa force. Il bloquait le feu beaucoup mieux que la fois précédente... Une minute s'écoula, puis deux, puis trois... Je sentis un autre souffle de feu le frapper. La puissance du bouclier diminua quelque peu. Puis une autre rafale, celle-ci dangereusement proche de mon bras... Je sentis le bouclier commencer à vaciller. Je me concentrai plus fort, mais je savais qu'il allait céder dans quelques secondes. Je pouvais sentir la chaleur se rapprocher de mon bras alors que le feu faisait lentement son chemin à travers ma protection. Je me demandai s'il y avait moyen de bouger avant qu'il n'entre en contact avec mon bras, ou si le bouclier allait le disperser suffisamment pour que ma peau puisse me protéger. Est-ce que ce serait très douloureux si ma peau s'enflammait ? À ce moment-là, je permis à mon esprit de se rappeler le visage de Bella...
Soudainement, la force de mon bouclier augmenta comme jamais auparavant. Le feu fut repoussé, et une odeur de brûlé me parvint de l'herbe à côté de moi. Je sentis une autre explosion frapper le bouclier, et encore une autre, chacune ricochant et allant toucher l'herbe ou un arbre avoisinant. Je laissai mon cerveau remettre en marche ses fonctions les plus mineures – ma respiration, ma conscience du danger, ma perception des humains – et le bouclier continua de résister. Je ne savais pas comment ni pourquoi, mais je continuai de le tester. Je ramenai mes autres fonctions – mon ouïe ultra fine, ma conscience de ma famille et de Bella, pendant que les éclairs de feu fonçaient toujours sur mon bouclier. C'est lorsque je ramenai cette dernière fonction que je réalisai que Bella se tenait à moins de deux mètres de moi. Qu'est-ce qu'elle faisait là ?
« ARRÊTEZ ! » Criai-je. « Arrêtez ! Bella – qu'est-ce que tu- » commençai-je à demander, mais elle s'effondra sur la pelouse, exténuée.