Nébuleuse carrière

966 137 61
                                    

Bien trop vite, il fut temps pour Hitomi de dire adieu à Ibiki, Anko et leur département. Elle eut droit à deux jours de congé qu'elle passa en compagnie d'Ensui, le dérobant sans la moindre pitié à sa charge de travail. Ils se battirent, jouèrent au shôgi, dormirent aussi, entassés au milieu des chats d'Hitomi, ravis qu'elle ait du temps à leur accorder. Cela faisait trois mois qu'elle n'était pas sortie de Konoha. C'était une sensation étrange, de se trouver dans un endroit très fréquenté pendant aussi longtemps ; elle trouvait un certain réconfort dans la paix et la solitude qu'on ne trouvait que dans le Bois aux Cerfs à l'intérieur des murs du village.

— Tu commences dans quel département aujourd'hui ? s'enquit son maître en posant une tasse de thé devant elle.

— Le Département d'Assassinat, marmonna-t-elle autour d'une bouchée de riz. Kakashi-sensei en fait partie, apparemment. Il n'est pas retourné dans l'ANBU quand notre équipe a été... dissoute.

Un même malaise, délicat et léger, enveloppa un instant le père et la fille. Hitomi n'avait toujours aucune nouvelle de Sasuke. Même Itachi ne parvenait pas à l'atteindre, même Jiraiya n'osait pas approcher ses espions des repères de feu son coéquipier. Naruto, bien sûr, se trouvait en sécurité dans le giron de son maître, et rentrerait à Konoha dans un an environ... Mais leur frère était toujours perdu aux yeux du monde. Seules quatre personnes savaient que l'allégeance de Sasuke n'avait jamais quitté son village.

— Ce département a une nouvelle cheffe depuis quelques mois. Une ancienne de l'ANBU, apparemment.

Hitomi haussa les sourcils, prise de court.

— De l'ANBU ou de la Racine ?

Ensui se raidit mais secoua la tête, l'orage et la tension s'éloignant de ses traits.

— Personne ne sait. Elle a été enlevée à la naissance et est réapparue à ses douze ans, amnésique et émotionnellement inepte. Shikaku-sama lui a offert une petite maison isolée dans le Bois aux Cerfs mais l'ANBU lui a mis la main dessus le lendemain du jour où elle est réapparue. Elle a quitté l'organisation il y a quelques mois, s'est fiancée à un shinobi du village et a pris la tête du département. C'est tout ce qu'on sait.

— Une Nara, donc ?

— Sans doute. Elle n'y ressemble pas beaucoup mais Shikaku-sama n'aurait pas un tel geste envers une gamine qui n'est pas reliée par le sang à notre clan.

— Mais elle porte notre nom ?

— Non, son nom complet est Mori no Akina. Shikaku-sama a jugé plus prudent de ne pas la revendiquer de cette façon, mais je ne sais pas pourquoi.

Les sourcils froncés, Hitomi réfléchit à ce mystère tout en terminant son petit-déjeuner. Elle se demandait comment elle avait pu passer à côté de ça, elle qui pourtant connaissait tant de noirs secrets de son village. Une fois la dernière bouchée avalée, elle se redressa, s'étira comme un chat et commença à se préparer. Plutôt que d'encore rajuster son kimono de combat, elle en avait racheté un nouveau, mieux adapté à sa nouvelle silhouette d'adulte. Elle n'était plus seulement mignonne désormais, elle était belle, de ce genre de beauté commune aux sabres de maître et aux armes de légende.

— Les gens qui disent que les ninjas ne devraient pas être vaniteux ont tort, musa Ensui en la regardant mêler des rubans carmin à sa chevelure noire attachée en queue de cheval. L'apparence est une arme de shinobi, autant qu'un katana ou un kunai.

— Les gens sont bêtes, Père, je ne vous apprends rien. La plupart pensent aussi que les shinobi ne devraient éprouver aucune émotion.

Un reniflement amusé échappa au vétéran. Même à l'époque où il n'était qu'un Genin, ses supérieurs tournaient cette exigence en dérision. Les émotions nourrissaient la volonté du ninja. Il fallait pouvoir se défaire de ses sentiments s'ils interféraient avec la mission, oui, mais il était impossible de ne rien ressentir et ceux qui, comme Naruto, vivaient sans réserve dans la tristesse comme dans la joie, se hissaient parmi leurs pairs sans jamais rencontrer d'obstacle assez fort pour les arrêter tout à fait.

Quelque chose s'achève, quelque chose commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant