La reprise de l'entraînement

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La lune brillait haut et clair, dispersant sur les terres Nara sa lumière pâle, désincarnée. Hitomi reconnut aussitôt l'endroit – à la façon dont son cœur se serrait et appelait l'impression de sécurité de ses vœux les plus sincères. Elle avança un pas après l'autre dans l'herbe tendre, ses pieds nus s'accommodant du froid et de l'humidité sans effort. Elle entendait le chant distant des grillons, la caresse du vent dans les arbres. Un corbeau croassa puis se posa sur son épaule, lourd et tiède, dans un froufrou de plumes qui lui parut étrangement familier. Elle tourna légèrement la tête ; les yeux du corbeau étaient rouges, rouges, et elle n'en ressentit pas la moindre surprise.

Elle devait entrer dans la maison. Sa maison... Oui, c'était la sienne, elle reconnaissait le vernis sombre sur la porte, mais elle ne comprenait pas pourquoi les volets devant toutes les fenêtres étaient encore grands ouverts. Sa mère les préférait fermés pendant la nuit, elle disait que c'était plus sécurisé. Hitomi était d'accord... Mais elle ne se souvenait plus pourquoi. Était-ce dans ses habitudes d'oublier des choses ? Non, ce n'était pas exactement oublié, l'information se trouvait là, elle pouvait le sentir, juste hors de portée. Les serres du corbeau resserrèrent leur étreinte sur son épaule gauche. Un mince filet de sang se mit à couler dans son dos, tiède et visqueux. Ce n'était pas grave.

Elle franchit la porte, observa le désordre qui régnait dans l'entrée. Une ruade de panique perça la bulle de contemplation qui l'avait entourée jusque-là. Elle prit une inspiration chuintante et se dirigea vers le salon, ses mains glacées prenant appui contre le mur. Elle les retira humides. Rouges. Une vague de nausée la frappa, elle dut s'appuyer contre la petite commode où on rangeait les chaussures pour ne pas s'effondrer, prise de vertige. L'oiseau était toujours là, nullement gêné par son agitation.

Ce n'était pas normal. Ce n'était pas un comportement normal.

Elle entra dans le salon. Ses yeux voyaient, mais son cerveau ne parvenait pas à appréhender le spectacle macabre devant elle. Sa mère baignait dans une flaque de sang. Anosuke, Shikaku, Shikamaru, tous morts, la gorge tranchée. Du sang roulait toujours des orbites vides de l'enfant. Ensui, le corps brisé et le visage marqué d'un rictus d'agonie. Sasuke et Naruto l'un sur l'autre à côté de la table basse, une lame les embrochant dans cette position. Derrière leurs cadavres s'en trouvaient d'autres, Gaara, Han et Rôshi empilés sans vie sur le canapé, Itachi les membres cloués à l'un des murs, un trou dans la poitrine. Elle tomba à genoux au milieu des corps, sans force.

— Je suis venu te chercher, mais tu n'étais pas là.

Au prix d'un grand effort, elle parvint à relever la tête. Toujours baigné dans une ombre impossible qui dissimulait ses traits, une silhouette s'avança vers elle, marchant entre les corps comme s'ils n'étaient que des meubles quelque peu abîmés. Elle le reconnut même si elle ne pouvait voir son visage, à l'intensité de la haine qui instinctivement envahit ses veines. Danzô Shimura. Une autre ombre se détacha d'un coin obscur, et cette fois elle identifia immédiatement la forme qu'elle prenait – Madara Uchiha.

— C'est ta faute s'ils sont morts, Hitomi. Tu n'étais pas là.

Le corbeau quitta enfin son épaule, se percha sur la tête d'Itachi, courbée sur sa poitrine ensanglantée. Sa faute... Oui, oui, c'était juste. Sa faute. Elle entendit le bruit caractéristique d'un sabre lentement dégainé, releva la tête un peu plus loin pour exposer sa gorge. Même en fermant les yeux, elle pouvait sentir l'odeur métallique qui souillait l'air, sa maison, son foyer. Sa faute.

Elle ne hurla pas en se réveillant mais bondit du lit, un kunai dans chaque main, le souffle court et irrégulier. L'aura meurtrière était si dense autour d'elle que l'air semblait liquide. Le Murmure hurlait et se débattait sous sa peau, presque douloureux dans l'intensité de son désir de sortir, de prendre le dessus. Elle devait... Elle devait le laisser faire. Pour protéger les siens, elle devait le laisser faire. Une sueur froide roulait le long de sa nuque, ses épaules, son dos. Elle ferma les yeux, mobilisa son chakra.

Quelque chose s'achève, quelque chose commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant