L'énigme et la clé

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Les jours suivants se perdirent dans une suite sans fin d'études, de tentatives et d'échecs. Une fois par heure, régulier comme une horloge, Ensui venait forcer Hitomi à quitter sa chaise de bureau et courir le long des limites du sanctuaires. Un tour complet lui prenait quinze minutes à la vitesse d'un shinobi ; ensuite, elle était libre de retourner à son travail. Parfois elle grommelait, pestait, avait même crié de frustration à une mémorable reprise, mais il ne souffrait ni refus ni négociation. Elle savait qu'il agissait de la sorte pour sa santé physique comme mentale. Il réussissait plus ou moins à les maintenir.

Ses chats aidaient grandement, cela dit. Une fois le dîner en compagnie des moines et initiés terminé, elle partait dans la partie de la forêt encore incluse dans le domaine avec eux, puis les félins s'éloignaient au-delà des murailles tandis qu'elle traquait et tuait une proie à l'intérieur. Ainsi, elle ne risquait pas de détruire totalement l'écosystème de cette zone réduite du bois sans fin qui les entourait dans toutes les directions, même si de toute façon les animaux passaient librement d'un côté ou de l'autre de l'enceinte.

Des dizaines et des dizaines de sceaux, gravés dans les murs qui délimitaient le sanctuaire, obligeaient toute personne pétrie de mauvaises intentions envers ses habitants à battre en retraite sous peine de subir une crise cardiaque tant le stress imposé au corps par quelques lignes d'encre et de chakra agissait avec violence. Hitomi aurait été capable d'une telle prouesse, mais seulement si elle avait disposé de plusieurs années pour embrasser de son encre chaque pierre et chaque tuile composant la muraille. C'était peut-être une option à considérer pour les Nara, après toutes les guerres et tous les malheurs inévitables qui attendaient encore sa famille, son clan, ses amis. Pourrait-elle empêcher la mort de son oncle ? De tous les autres ? Elle en doutait, sincèrement. Il y avait tant de choses à faire, tant d'incertitudes.

Deux semaines passèrent avec l'aisance d'un soupir avant qu'elle pense à une solution viable. Elle n'avait pas osé consulter Tobirama avant cela, pas osé admettre son échec devant un grand Maître. Elle ne le fit pas non plus quand elle décida de créer un pont entre la dimension qui contenait l'âme de Tobirama, ou son reflet ou peu importe, et la sienne. Elle poserait ce passage, cette passerelle, comme un voile sur la limite du monde contenu à l'intérieur du sceau, puis comme un autre sur la surface de son miroir. Ainsi, le son pourrait sauter du côté où se trouvait le Deuxième Hokage jusqu'à elle sans passer par l'offensante barrière solide qui les séparait. Elle s'assurerait aussi que rien de physique ne soit capable de passer – elle ne voulait pas se retrouver avec un macchabée pétri de préjugés sur les bras. Elle ne savait même pas si c'était possible mais elle refusait de prendre le risque.

Elle essaya une vingtaine de sceaux différents, étalés sur cinq jours, avant d'admettre que le langage classique ne suffirait pas à créer ce qu'elle avait en tête. Dans ce cas, il ne lui restait plus qu'à explorer les possibilités infinies apportées par toutes les langues et graphies qu'elle connaissait, dont entre autres les runes nordiques du Monde d'Avant. Elle avait eu le temps, une éternité auparavant, de se pencher sur une sorte de dictionnaire qui couvrirait ses besoins basiques en matière de sceaux – c'était grâce à cela qu'elle fabriquait désormais des parchemins explosifs uniques au monde et que le sceau de chakra sur son nombril existait. Il lui fallait désormais aller plus loin que les bases.

Un mois après son arrivée au sanctuaire, Hitomi se redressa sur sa chaise avec un sourire intensément satisfait. Enfin. Ce sceau fonctionnait. Restait à comprendre comment l'appliquer à du métal, le graver à l'intérieur de cette matière exigeante, sur laquelle l'encre et le sang finissaient par se patiner et glisser. Cette fois, heureusement, elle disposait des notes de Tobirama à propos de cet étrange domaine du fûinjutsu, peu exploré même par les Maîtres. Il avait été le seul shinobi de toute l'histoire connue à porter ses armes gravées de sceaux pour améliorer leur tranchant, leur résistance et leur solidité. Avec quelques traits gravés dans l'acier, il avait rendu son katana et son wakizashi plus robustes encore que le diamant.

Quelque chose s'achève, quelque chose commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant