Une juste contrepartie

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Trois jours plus tard, comme elle l'avait promis, Hitomi était prête. Elle attendit Haku dans la Salle des Sceaux que Mei lui avait accordée sans la moindre rebuffade, tout son matériel à portée de main. Ensui n'était toujours pas là, mais elle se sentait un peu rassurée par la présence de Zabuza et Suigetsu en plus de la Mizukage. Cela faisait beaucoup de gens pour assister à cet évènement, plus que n'importe quel Maître aurait apprécié, mais Hitomi avait besoin de leur compagnie. Elle se sentait seule et n'aimait pas ce que ce sentiment lui infligeait.

Il lui fallut peu de temps pour tatouer son Sceau de Protection sur un Haku paisiblement endormi. Elle aurait pu le faire les yeux fermés, à présent : la transition entre pistolet à tatouage et pinceau ne représentait plus la moindre difficulté à ses yeux. Elle se souvenait presque avec affection de la première fois qu'elle s'en était chargée, pendant qu'elle réalisait les Sceaux de Métamorphose sur Rôshi et Han. Elle vivait désormais avec des forces et des craintes supplémentaires. Les premières étaient-elles venues au prix des secondes ? Elle n'aurait su le dire.

— Je vais à présent passer à la fusion, dit-elle dans un filet de voix distant. Protégez-vous derrière les piliers, au cas où.

Elle sentit les trois shinobi conscients lui obéir plutôt qu'elle ne les vit, les yeux rivés sur le torse pâle de son amant. Les mains légèrement tremblantes, elle sortit le parchemin qui contenait Isobu de l'une de ses poches. Elle avait peur, elle devait l'admettre. Elle avait peur parce qu'elle savait ce que la douleur lui faisait et s'apprêtait à s'en infliger une dont elle ignorait la violence. Dans le Monde d'Avant, elle avait été incapable d'agir de la sorte. Elle était craintive, fuyante – faible, à tous les niveaux.

Elle inspira profondément, plaça le rouleau fermé sur l'estomac d'Haku et activa le sceau contracté sur sa face extérieure. Le papier se mit à chauffer et chauffer entre ses mains, mais elle le sentit à peine, les nerfs assaillis de toute part par une souffrance brûlante, au-delà des mots. Elle ne pouvait même pas hurler, peu importait à quel point son corps en avait besoin, ou respirer. Ses yeux se révulsèrent mais elle ne perdit pas connaissance. Elle avait l'impression de se baigner dans de la lave, et pourtant, à l'intérieur de sa Bibliothèque, tout était froid.

Elle observait la douleur qui lui vrillait le corps comme si elle ne s'y trouvait pas, comme si ce n'était pas son esprit qui se laissait dévaster par cette force inconcevable. La seule conscience qui lui restait encore poussait sur le sceau, le maintenant activé coûte que coûte, même si elle avait l'impression de mourir à chaque instant. Elle n'eut aucune idée du temps qui passa. Elle se contenta de payer le juste prix pour ce qu'elle désirait accomplir, celui qui ne laisserait pas de cadavre dans son sillage.

En réalité, une petite fraction d'elle mourut dans le processus.

Enfin, le parchemin reposa vide et froid sur le ventre d'Haku, dont la peau était désormais marquée d'un sceau très semblable à celui de Naruto. Hitomi prit sa première inspiration depuis de longues minutes, une goulée d'air qui lui brûla les poumons et le nez. Elle se convulsa faiblement au-dessus de son amant, incapable de s'en empêcher. La douleur véritable s'était arrêtée, mais pas celle que son corps ressentait, un fantôme à peine plus faible que ce dont il était l'écho. Lentement, avec l'impression que son corps allait se déchirer sous l'effort, elle se leva. Elle se dirigea vers la sortie, passa entre Zabuza et Suigetsu comme s'ils n'étaient pas là – elle ne les voyait pas, ne les sentait que trop bien – grimpa dans les étages jusqu'à se retrouver au rez-de-chaussée de la Tour.

L'afflux de bruits et de chakra dus à l'activité diurne de l'endroit lui donna envie de vomir, aussi ne s'attarda-t-elle pas. Elle sentait ses amis suivre derrière elle, s'empresser à sa poursuite, mais elle ne pouvait pas les laisser approcher. Elle ne pouvait pas les laisser la toucher. Elle faillit sangloter de douleur en s'emparant de la balise qu'elle avait posée sur la porte de sa chambre mais s'y téléporta d'un effort de volonté. Là, elle tomba à genoux, reprit son souffle et se releva. Elle dut s'y reprendre à trois fois avant de réussir à fermer la porte derrière elle et activer le sceau de verrouillage qu'elle y avait gravé. La fenêtre vint ensuite, pareillement scellée. Personne n'entrerait.

Quelque chose s'achève, quelque chose commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant