Les deux déserteurs

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Dès que Tsunami vit Hitomi, portée par Kakashi et couverte de sang, elle se rua sur elle pour l'examiner, les sourcils froncés et des jurons particulièrement créatifs sur les lèvres. Elle enjoignit le Jônin-sensei à emmener son apprentie dans le salon, sans un seul regard pour les deux ninjas à l'insigne de Kirigakure qui suivaient l'équipe de Konoha comme s'ils ne savaient absolument pas où se mettre – un problème à la fois.

La gamine était inconsciente et la blessure qui lui barrait le buste causa quelques exclamations choquées, de la part de ses frères adoptifs et de Tsunami elle-même, elle devait l'avouer. Du bout de ses doigts froids, elle tâta la blessure pour déterminer sa profondeur et sa gravité, puis décida qu'il faudrait tout de même recoudre. Heureusement que la petite était déjà dans les vapes...

— Papa, va me chercher la trousse de secours. Sensei, emmenez tout le monde dehors, je ne veux pas que quoi que ce soit risque de me distraire.

Elle donnait ses ordres comme une chirurgienne en chef et tout le monde obéit dans l'instant, la laissant seule avec la jeune fille évanouie qui saignait sur son canapé – ce dont elle ne se souciait pas le moins du monde. Recoudre était un travail long, répétitif, et laborieux quand il ne concernait pas des surfaces parfaitement planes. Au moins, sa patiente était immobile. Elle cousit le dernier point, acheva de panser la plaie et se releva avec dans le dos un craquement sonore. Cela laisserait une cicatrice, mais peut-être que les ninjas médecins dont elle avait entendu parler pourraient l'effacer, ou peut-être que la gamine la porterait comme une fierté, un trophée. On ne savait jamais, les shinobi étaient des gens bizarres.

Dans la Bibliothèque, Hitomi se terrait sous une table de lecture, noyée dans une peur au-delà des mots. Le sol pâle et d'habitude si propre de son cher sanctuaire avait disparu sous plusieurs centimètres de sang frais, et même là où elle se trouvait elle n'échappait pas à son odeur métallique et à sa sensation visqueuse contre sa forme prostrée. Elle ne pouvait s'empêcher de sangloter, ses épaules agitées de spasmes et sa gorge serrée. Elle ne comprenait pas ce qu'il se passait, et cela la terrifiait. D'habitude, une simple pensée permettait d'ajuster l'apparence du lieu, qu'elle contrôlait jusqu'au moindre détail, mais cette fois, ça n'avait pas marché.

Oh, elle savait la cause d'un tel chamboulement, mais elle aurait dû contrôler ce phénomène. Tuer n'était pas censé être une telle épreuve pour un ninja, elle aurait dû être insensible ou presque, et puis ce n'était pas juste, elle avait fait son travail, elle avait bien agi, cet homme aurait éventré Tazuna sans sourciller si Gatô l'avait payé suffisamment cher. De la même façon, elle avait été payée – ou serait payée – pour cette mission, pour la vie qu'elle avait prise. C'était la même chose, la même chose, alors pourquoi la fine barrière entre l'intention et le passage à l'acte lui donnait-elle l'impression de mourir lentement ?

Et elle devrait encore tuer à l'avenir, elle le savait, c'était inévitable. Peut-être même aussi tôt que l'examen Chûnin, ou même encore avant si une mission rendait cet évènement inévitable. Malgré tous les défauts que le village incarnait, Hitomi lui était fidèle, non pas par sentiment patriotique mais parce que tant de ses êtres chers auraient donné leur vie sans la moindre hésitation au nom de Konoha. Elle ne pouvait pas se permettre de faiblir, pas maintenant, pas au tout premier obstacle qui menaçait sa stabilité mentale.

La gorge serrée, elle sortit lentement de sa cachette. Ses mains et ses jambes étaient maculées de sang. Ses sourcils froncés et son regard incroyablement dur créaient comme un choc au milieu de ses traits épuisés. Elle inspira profondément et leva les bras, mobilisant chakra et pouvoir pur pour plier une autre partie du lieu à sa volonté. Quelques mètres plus loin, dissimulée dans l'ombre, une porte apparut. Elle était d'un blanc si parfait qu'elle blessait les yeux et verrouillée par un barbelé qui n'existait que dans le Monde d'Avant, avec ses pointes cruelles prêtes à mordre la peau de quiconque s'approchait ou tentait d'en sortir.

Quelque chose s'achève, quelque chose commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant