Retrouver le rythme

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Elle brûlait.

Elle brûlait de tout ce feu réprimé encore et encore durant les derniers jours, d'un feu qui ne tolérerait plus d'être ignoré. Elle sentait parfois des mains glacées sur elle qui lui donnaient envie de fuir – son corps refusait de répondre. Plusieurs fois, il lui sembla se réveiller pour s'évanouir à nouveau quelques instants plus tard, incapable de parler ou de faire savoir qu'elle était consciente. Cette impuissance la terrifiait. Même sa Bibliothèque s'était enflammée, un brasier qui ne touchait pas les livres mais la brûlait, elle.

Elle brûlait.

Trois jours passèrent durant lesquels elle brûla et brûla jusqu'à ne plus rien ressentir, jusqu'à simplement se laisser porter par les flammes. Le quatrième jour, elle ouvrit les yeux et ne les referma pas tout de suite, contemplant sans un bruit le plafond couleur taupe au-dessus d'elle. Elle n'était plus allongée sur le flanc ou sur le ventre – cela signifiait-il que sa blessure au dos était guérie ? Elle se souvenait d'être arrivée à Suna, d'avoir vu Ensui debout et vivant. Elle avait réussi, pas vrai ? Elle avait réussi... Une main froide toucha son front moite, lui faisant rouvrir les yeux alors qu'elle ne se souvenait pas les avoir fermés. La médic qui s'était occupée de son maître la regardait.

— J'en connais quelques-uns qui vont être très heureux de savoir que vous êtes réveillée, dit la femme d'une voix légèrement amusée. Bon retour parmi nous, Senjin-san. Voulez-vous voir votre père ?

Elle déglutit avec l'impression d'avaler une pierre et non de la simple salive mais parvint à rassembler assez de volonté et de force pour hocher la tête. Même pour ce tout petit mouvement, son corps entier protestait et la priait de ne plus remuer pour l'instant. Elle était bien trop heureuse de lui accorder cette menue faveur. La médic sourit puis disparut du champ de vision d'Hitomi, laissant derrière elle une vague odeur de plantes. Ou alors c'était elle qui sentait comme ça ? Elle se souvenait qu'à Suna poussaient certaines plantes médicinales uniques au monde et très prisées. L'alliance que Tsunade tentait de conclure avec le village troquerait une partie de la récolte de ces plantes contre la présence de dix médics Konohajin dans l'hôpital Sunajin pour former le personnel aux techniques médicales employées dans son village natal.

Et comment est-ce qu'elle savait tout ça, déjà ?

Ah, elle se souvenait. Gaara lui en avait parlé. Gaara... Elle ne l'avait pas vu avant de perdre connaissance, mais elle avait senti sa présence. Il ne pourrait jamais se dissimuler à ses sens, pas avec Shukaku à l'intérieur de lui. Elle devait rectifier son sceau aussi et lui donner celui qui les lierait tous les deux d'une manière plus constante et certaine. Une morsure glacée et angoissée dans son ventre lui disait que ça devenait vraiment nécessaire. Elle ne comprenait même pas exactement pourquoi – cela venait-il des rêves enfiévrés qui l'avaient hantée ces derniers jours ?

La porte de la chambre se rouvrit – cette fois, deux séries de pas murmuraient contre le sol et elle reconnaîtrait cette seconde démarche n'importe où. Un sourire lui craquela les lèvres, elle parvint à tourner la tête dans sa direction. Ensui. Des cernes lui mangeaient le visage, il semblait avoir perdu beaucoup trop de poids et dormi seulement une heure par nuit pendant le mois qu'elle avait passé hors de Suna. En l'absence d'une chaise, il s'agenouilla à son chevet, une main calleuse et ferme trouvant immédiatement sa place dans ses cheveux.

— J'ai cru que je t'avais perdue. Je... J'ai cru que tu ne reviendrais pas.

Elle entendit sa gorge serrée et les larmes contenues, la détresse qu'il ne disait pas mais qui vrillait sans doute chacun de ses muscles. Elle acquiesça contre sa main en signe de compréhension, déjà épuisée. Il repoussa une mèche rousse loin de son visage, se pencha pour déposer un baiser sur son front moite. Comme un parent voulant surveiller la fièvre de son enfant. Elle sentit une boule se former dans sa trachée, des larmes affleurer au bord de ses paupières, mais lutta pour les contenir. Une seule parvint à s'échapper, cueillie au bout de quelques centimètres à peine par un pouce légèrement tremblant.

Quelque chose s'achève, quelque chose commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant