Épopée

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Pour la millième fois au moins depuis son arrivée, Harry Potter maudit les circonstances qui l'avaient placé à cet endroit.

Après la bataille de Poudlard, une fois Voldemort vaincu, il avait abandonné l'idée de devenir Auror. La violence lui répugnait désormais, il revivait bien assez la dernière bataille encore et encore dans ses cauchemars.
Un peu désoeuvré, il avait profité de l'hospitalité que Minerva lui avait offerte à Poudlard, pensant que l'écossaise voulait le recruter comme professeur. Il avait hésité, pesant le pour et le contre, puis il avait haussé les épaules et pensé qu'il déciderait le moment venu.

Il avait fallu du temps pour enterrer les morts et faire le deuil. Il y avait eu des blessés à soigner, aussi bien dans leur chair que dans leur esprit. Harry avait appris avec consternation le suicide de Lavande - qui ne supportait pas être devenu loup-garou après l'attaque de Greyback. Mais il avait découvert avec soulagement que son professeur de potion n'avait pas succombé. Plongé dans un coma léger par le venin de Nagini, l'homme avait survécu, puisqu'il avait pris l'habitude d'ingérer un antidote aux venins les plus courant. Son rôle d'espion l'avait rendu paranoïaque, et... ça lui avait sauvé la vie.

Il n'y avait pas eu de soudaine amitié entre eux. Pas de prise de conscience qu'ils étaient semblables. Juste une espèce de reconnaissance implicite. Rogue était le protecteur de l'ombre. Harry le héros dans la lumière. Ils n'avaient pas besoin d'en parler, et continuaient à se disputer malgré les avertissements parfois agacés de Minerva.

Et puis, un jour, Minerva l'avait convoqué dans son bureau.
- Monsieur Potter. J'ai un service à vous demander.

Harry avait immédiatement hoché la tête avec enthousiasme, sans réfléchir. Il était tellement redevable qu'il se moquait bien de ce que Minerva allait lui demander. De toutes façon, il accepterait.
L'écossaise eut un sourire rusé, et eut un sourire approbateur. Puis, elle s'était expliquée, et le sourire de Harry s'était mué en une grimace horrifiée.
- Je compte voyager quelques temps, et Poudlard ne peut rester sans personne à sa tête. Bien sûr, Severus reste le directeur adjoint, mais il est suffisamment occupé avec ses cours et la responsabilité de la maison Serpentard. Aussi, puisque vous résidez à Poudlard depuis quelques temps, et que vous connaissez le château comme votre poche, j'ai pensé à vous pour me remplacer.

Effaré, Harry avait bégayé.
- Qu...Quoi ?
- Rien de définitif pour l'instant. Vous seriez un... directeur intérimaire. Je sais que vous êtes jeune bien évidemment, mais votre passé prouve que vous êtes digne de confiance. Et puis, tous les professeurs seront là pour vous épauler.
- Mais...
- Je ne compte pas confier l'école à n'importe qui.

Et avant d'avoir compris de quelle façon Minerva s'y était prise, Harry était propulsé Directeur intérimaire.

S'il avait eu des doutes sur le fait que sa situation était véritablement un cauchemar, Rogue avait débarqué. Il n'était pas venu le féliciter de son nouveau poste, mais plutôt le mettre en garde.
- Ne comptez pas sur moi pour vous appeler Monsieur le Directeur et pour chanter votre épopée, Potter. Vous resterez l'incapable pas fichu de réaliser une potion correcte.

Au moins, le ton était donné pour le début de leur collaboration. Cependant, si Harry devait se montrer entièrement honnête, il avouerait que Rogue était désagréable, souvent insultant. Mais il le secondait efficacement et lui donnait de précieux conseils - enrobés de sarcasmes.

Il y avait des jours cependant, où Harry rêvait de filer à l'anglaise, et échapper à ses responsabilités nouvellement acquises. Particulièrement les jours où le sort semblait s'acharner sur lui.
Ainsi, dès le matin, Harry dût batailler avec le Ministère, déterminer à garder l'indépendance de Poudlard. Mesquinement, il rappela au Ministre l'épisode "Dolorès Ombrage" et conclut l'entretien en indiquant que l'école s'en sortait parfaitement bien pour éduquer les jeunes sorciers.
Puis, il y eut une bataille rangée Gryffondor contre Serpentard, réminiscences de la guerre et de l'opposition historique des deux maisons. Si la maison rouge et or pensait être honteusement favorisée par le jeune Directeur qui était un des plus célèbres Gryffondor, elle déchanta rapidement. Insensible à l'esprit de camaraderie Gryffondor, Harry punit de la même manière tous les protagonistes sans faiblir.
Il pensait pouvoir déjeuner en paix et avoir un après-midi calme, mais Peeves décida de mettre de l'ambiance, et Harry fit étalage de sa puissance pour le calmer. Étrangement, l'esprit frappeur ne se remontra pas.

Harry était définitivement sur les nerfs quand Rogue fit irruption dans son bureau, ouvrant brusquement la porte et entrant d'un pas martial, comme en terrain conquis.
L'homme lui adressa un sourire - un véritable sourire - et ce fut ce détail qui effraya le plus le jeune homme. Depuis qu'il le connaissait, jamais Rogue n'avait sourit. Il avait grimacé, il avait affiché des rictus sarcastiques ou moqueurs. Il avait ricané.
- Félicitation Potter.

L'air idiot, Harry secoua doucement la tête, bloqué sur le sourire de son ancien professeur. Puis il fronça les sourcils alors que les mots percutaient enfin son cerveau.
- Quoi ?
Cette fois, la chauve souris des cachots ricana, visiblement fier de son effet.
- Je disais : "Félicitations Potter".

Méfiant, le jeune homme fronça les sourcils, attendant le piège. Rogue se pencha légèrement, laissant sa cape l'envelopper, avant d'assener le coup de grâce.
- Vous n'êtes plus Directeur intérimaire.

Harry se détendit et sourit, ravi d'échapper enfin à ce piège fomenté par Minerva. Le sourire de Rogue revint, plus sadique que jamais.
- Vous êtes désormais notre Directeur titulaire. Puisque vous vous en sortez à merveille, Minerva a décidé de prendre sa retraite.

Oubliant qu'il avait son mot à dire, Harry laissa échapper un gémissement dépité et laissa tomber sa tête sur le bureau en jurant de ne jamais plus accepter de rendre service.

Les nuits du FofOù les histoires vivent. Découvrez maintenant