Rien

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Après la mort de Voldemort, Harry avait vécu quelques mois en se réjouissant de sa liberté retrouvée. Il avait été heureux de ne rien avoir à faire.

Il n'y avait plus aucun poids qui pesait sur ses épaules, il n'y avait plus personne qui voulait sa mort.

Les premiers jours, il avait paressé au lit, il avait profité des petits plaisirs de la vie. Prendre le soleil. Se promener sans escorte.

Paresser un peu. Envoyer paître son oncle et sa tante et leur protection du sang qu'il avait payé le prix fort. Ils lui avaient pris son innocence et son enfance.

Il n'avait plus besoin d'étudier, il avait reçu des mains du Ministre son diplôme. Il avait tué, et il était diplômé. La pilule avait été amère.

Il avait cru que l'oisiveté serait une bénédiction. Rien. Pas d'obligation. Juste profiter de la vie.

Mais... La guerre avait laissé des cicatrices indélébiles. Il n'avait pas pu oublier ses réflexes. Vigilance constante, comme lui avait appris Maugrey. La leçon était gravée dans sa chair, dans chacune des cicatrices qu'il avait reçu.

Le "Rien" qui sonnait comme une promesse de paradis était un enfer au final. Un enfer d'ennui, un enfer qui lui montrait le vide de sa vie maintenant que l'arme du monde sorcier n'avait plus d'utilité.

Il avait un jour rêvé d'être Auror. Combattre le mal, aider les autres. C'était inscrit dans son corps, mais... Mais il n'avait pas oublié le prix à payer. Il n'avait pas oublié les corps de Remus et de Tonks. Leurs cadavres côte à côte, leurs mains tendues l'un vers l'autre. Comme s'ils ne voulaient pas être séparés même dans la mort.

Il avait perdu l'envie, la vocation en devant tuer Voldemort. Il l'avait su depuis le départ qu'il devrait le faire... Mais tant qu'il ne s'agissait que de mots... Les mots étaient vides de sens. Jusqu'à ce qu'il lance le sort fatal, et que le corps de son ennemi ne tombe au sol, les yeux grands ouverts, ses pupilles carmin figées.

Il ne pourrait jamais passer ses journées à jouer les justiciers, pas après tous les morts qu'il avait vu. Pas après la perte de certains de ses amis. Il en deviendrait fou, il n'avait aucun doute là-dessus.

Il aimait le Quiddich. Il aurait pu jouer, Ron l'encourageait d'ailleurs régulièrement. Mais il n'aimait pas la célébrité, et l'un n'allait pas sans l'autre. Il savait qu'il ne supporterait pas une carrière publique.

Harry Potter, Sauveur du monde sorcier, celui qui avait tué Voldemort, riche Lord anglais, se sentait totalement désœuvré. Il était célibataire - depuis qu'il avait quitté Ginny Weasley en se rendant compte qu'il courrait après le fantôme de sa mère - et il n'avait aucun projet.

Ainsi, Harry Potter paressait au soleil dans son jardin, sans se préoccuper de qui pouvait bien le voir depuis la rue. Les yeux fermés, il réfléchissait à ce qu'il pourrait bien faire. Hermione lui avait proposé la politique, et il avait eu un fou rire à l'idée que lui puisse se présenter au Ministère pour... parader.

Il soupira.

Une voix le fit sursauter.

- Alors, Potter ? Qu'est ce que tu fais ?

Il sourit en reconnaissant la voix.

- Rien.

Il entendit un bruit de saut, et il sourit largement en devinant que Drago Malefoy avait sauté souplement par dessus la petite barrière qui délimitait sa propriété. Ce n'était pas la première fois, et ce ne serait pas la dernière que le blondinet s'imposerait de cette façon.

Depuis qu'ils avaient conclu une paix fragile, ils se retrouvaient de temps en temps.

Il sentit Drago le bousculer un peu et il se décala avec bonne volonté pour laisser un peu de place sur son plaid. L'autre s'allongea à ses côtés avec un soupir satisfait.

- Toujours pas d'idées ?

- Toujours pas.

Drago gloussa. Ils avaient déjà eu cette conversation, après tout.

- Je compte devenir potionniste. Juste une petite boutique. Mon parrain m'en a appris suffisamment.

- Je sais.

- Que dirais-tu de nous associer ? Seul je n'aurais pas de clients. Le fantôme de mon père se dressera toujours sur ma route. Ton nom par contre...

- Je suis nul en potions.

- Tu apprendras.

Harry resta silencieux quelques instants, réfléchissant. Le rien de sa vie commençait à se remplir peu à peu, comme un flacon vide dans lequel on verse une potion parfaite.

Il soupira, essayant de trouver la moindre raison de refuser. Mais l'idée de Malefoy était brillante. Elle lui offrait un avenir.

Et Harry Potter se mit à rire, alors que son avenir devenait soudain bien plus clair.

Les nuits du FofOù les histoires vivent. Découvrez maintenant