Les nuits du Fof

Mémoire

Le jeune homme blond rangea soigneusement la boutique qu'il tenait et regarda autour de lui, satisfait. Il était heureux d'avoir accepté ce travail, dans un salon de thé réputé de Londres. La clientèle était exigeante, et si parfois il était tenté de répondre sèchement aux clients, il réussissait finalement à se contenir.

Il allait fermer la porte quand son meilleur ami arriva et entra comme il le faisait chaque soir.

- Tu es prêt à rentrer ?

Le blond gloussa et leva les yeux au ciel.

- C'est bon James ! Je suis amnésique pas handicapé ! Je pense retrouver mon chemin jusqu'à notre appartement sans me retrouver à errer dans les rues.

James - un brun aux yeux verts - lui sourit et s'approcha pour le prendre dans ses bras.

- C'est juste que je m'inquiète. Et puis tu sais que la boutique est sur mon chemin non ?

En riant, il alla baisser le rideau métallique qui protégeait le magasin des voleurs, puis les deux amis empruntèrent la porte arrière pour sortir, plaisantant et discutant.

Cela faisait six mois maintenant que le blondinet s'était réveillé dans un appartement qu'il ne connaissait pas, incapable de se souvenir de qui il était. Le garçon qui vivait avec lui l'avait emmené à l'hôpital, et personne n'avait réussi à déterminer ce qui n'allait pas.

Comme James se présenta comme son colocataire et ami, les médecins lui avaient suggéré de retourner vivre avec lui et d'essayer de reprendre sa vie tant bien que mal. Sa mémoire pouvait revenir tout à fait par hasard, à n'importe quel moment, ou bien il pouvait rester une page blanche pour toujours.

L'annonce avait perturbé le jeune homme et il avait fait plusieurs crises d'angoisse, paniquant à l'idée de ne jamais savoir qui il était.

Puis, il s'était rendu compte que ses angoisses inquiétaient son ami, et il voyait les cernes sous les yeux de James s'assombrir au fil des jours. Il avait passé une journée à méditer, et finalement, il avait conclu que pour le bien être du seul pilier de sa nouvelle vie, il pouvait accepter d'avoir tout à reconstruire.

James lui avait raconté qu'ils étaient tous les deux orphelins et qu'ils avaient grandi dans un orphelinat. Leur amitié datait à priori de leur plus jeune âge, puisqu'ils n'avaient personne d'autre au monde.

Drew - c'était ainsi que James lui avait dit qu'il s'appelait - pouvait aisément le croire, puisqu'il avait l'impression de parfaitement connaître son ami. Ses expressions lui étaient familières, tout comme certaines de ses réactions.

Petit à petit, ils avaient repris une vie un peu chaotique. Drew se laissait porter, et essayait de découvrir ce qu'il aimait, qui il était. James le surveillait d'un œil attentif, toujours présent pour lui, pour s'assurer qu'il ne risquait rien.

Selon James, Drew avait toujours adoré le thé, et lorsqu'une annonce était parue dans le journal, il avait aussitôt postulé. Le propriétaire l'avait aussitôt engagé, et avait constaté avec un grand plaisir que malgré son amnésie, Drew connaissait parfaitement le monde du thé.

Bien sûr tout n'était pas rose. Ils se disputaient parfois, et quelques fois, Drew s'éveillait haletant après un cauchemar, où il était question de choses fantastiques comme de la magie, des dragons, des animaux étranges et des sorciers. Dès que le jour se levait, il se traitait d'idiot à l'imagination trop débordante, mais parfois, il avait l'impression que quelque chose manquait dans sa vie.

Drew et James marchaient tranquillement dans la rue londonienne, discutant en blaguant, le sourire aux lèvres, quand un cri les fit s'arrêter brusquement.