Les nuits du Fof

Tomber

Drago Malefoy savait que tomber amoureux n'était pas pour lui. Il pourrait presque le regretter, mais il avait été éduqué comme ça.

Son avenir était tout tracé : il épouserait la parfaite sang-pur choisie par sa famille, et il devrait concevoir un héritier. L'amour n'avait pas sa place là-dedans. Tout était politique, ou stratégique.

Tomber amoureux. C'était une expression si stupide. Pour lui, tomber n'était pas quelque chose de positif. En tombant, on pouvait se blesser. Ou se rendre ridicule.

Il n'avait jamais pensé à se rebeller contre ce que ses parents avaient décidé pour lui, à l'instant même de sa naissance. Après tout, il était bien trop intelligent pour tomber. Que ce soit au sol ou amoureux.

Bien entendu, la guerre avait changé beaucoup de choses. A l'âge où il aurait dû courtiser sa future épouse, il se tenait agenouillé devant un monstre, obligé de lui tendre son bras pour être marqué.

Alors qu'il aurait dû expérimenter les premiers rendez-vous pour apprendre à se connaître, il avait appris qu'il devrait tuer un homme s'il voulait sauver la vie de ses parents.

Drago n'était pas certain qu'il survivrait suffisamment longtemps pour donner un héritier à la lignée Malefoy. Mais étrangement, il s'en moquait totalement, alors qu'il fixait son bras sali de l'encre noire. En cet instant précis, l'avenir était bien sombre pour lui, et il ne pensait pas survivre à cette guerre terrible.

Lorsqu'il avait fini par tomber, il ne s'en était pas rendu compte immédiatement. Déjà parce qu'il trouvait impossible de parler d'amour dans son cas.

Ensuite, parce qu'il était complètement perdu.

Il pensait sa vie terminée. Il était certain qu'il ne verrait pas le soleil se lever, alors que Voldemort marchait sur Poudlard et qu'il se trouvait entre les deux camps. Élève et Mangemort.

Il s'était trouvé face à Potter, au détour d'un couloir. C'était à cet instant précis que sa chute avait commencé.

Le Gryffondor lui avait tendu la main. Simplement. Sans un mot.

Derrière le balafré, la belette avait hoqueté, visiblement outré. Mais le brun aux yeux verts n'avait pas cillé. Il avait gardé la main tendue vers lui, les yeux brillant bien trop fort, un léger sourire amical aux lèvres.

Un instant, Drago avait eu envie de le frapper. Fort. Pour lui ôter ce sourire, pour l'obliger à se battre.

L'instant d'après, il avait pris sa main dans la sienne et avait plongé ses yeux couleur d'orage dans l'absinthe de son regard.

C'était rien. Juste un signe que malgré la marque qui noircissait sa peau ils étaient dans le même camp peut être. Ou une façon de se dire qu'ils n'étaient pas vraiment ennemis malgré les apparences.

Juste un détail, qui pourtant, était en train de chambouler la vie de Drago.

Le Gryffondor s'était penché vers lui, proche à le toucher, et lui avait murmurer trois petits mots à l'oreille. Trois minuscules mots qui avaient retourné Drago.

" Reste en vie"

Un dernier regard, ils s'étaient éloignés, leurs doigts restant en contact le plus longtemps possible.

Alors que Potter arrivait au bout du couloir, Drago avait crié, la voix étranglée.

- Toi aussi !

Le Gryffondor s'était retourné, un large sourire aux lèvres, le visage illuminé et Drago avait su qu'il était fichu. Il était tombé.

C'était peut être ses yeux verts, ses cheveux agaçants toujours en bataille. Ou alors sa façon de ne rien prendre au sérieux. Sa nonchalance continuelle.

C'était peut être sa puissance alors que la Magie le couvrait comme une grosse couverture bien chaude, ou sa façon de voir le monde, à travers les yeux d'un petit garçon malgré toutes les épreuves qu'il avait traversées.

C'était probablement un peu de tout ça et bien plus encore, mais Drago savait qu'il ne pourrait jamais se sortir Harry Potter de la tête. Dès leur première rencontre, le jeune homme y était entré, y avait fait sa place.

Et au fil des années, son importance avait grandi, jusqu'à ce qu'il prenne conscience finalement qu'il était tombé pour lui depuis certainement bien longtemps.

Tombé amoureux du Sauveur.

Alors Drago l'avait suivi en courant, essayant de se faire discret, décidé à assurer ses arrières. Potter était à lui, et il refusait de le perdre avant d'avoir vérifié si lui aussi pouvait prétendre à l'amour. Même s'il n'y croyait pas.