Chapter 48

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— Hakan, m'interpelle Sherlock en montrant la table basse.

Dessus, l'une de mes cannes. Plus précisément, celle que j'ai laissée dans le bureau, hier soir, avant de quitter Selens Inc. pour la nuit. L'intrus n'a pas seulement assisté au gala, cet enfoiré s'est permis de pénétrer dans mon antre, de violer mon intimité... Oui, je parle toujours de mon bureau !

— Les clés de l'appartement étaient dedans, je fais d'une petite voix. Il n'attendait que cela.

— Ce n'était pas forcément prémédité, affirme mon colocataire. Il a très bien pu tomber sur votre négligence par hasard et décrété qu'il allait en profiter.

— Alors il savait que je ne reviendrai pas passer la nuit ici.

Moins atteinte que je ne le suis réellement (oui, c'est ça que je dois leur montrer), je me tourne vers mon colocataire en mimant d'être désolée.

— Je suppose qu'on va reporter le brunch, histoire quoi je fasse un peu de rangement, ici.

En baissant les yeux, je me rends compte qu'une note est gentiment déposée sous la poignée de la canne. Je m'en saisis pour la lire : « Toujours autant couard pour toi, Selens ? Merci pour la clé. » En dessous, un petit cœur tracé soigneusement.

Je constate qu'il s'agit de l'un de mes papiers. Je découpe des carrés de couleur pour les mettre sur mon tableau magnétique. Parce que oui, j'ai deux grands tableaux dans ma chambre : un noir pour écrire à la craie et un blanc aimanté. L'indélébile rouge, c'est sûrement le mien aussi... La personne a sans doute utilisé mon papier, mon encre et tout le reste de mon matériel. J'espère au moins qu'il n'a pas forcé mon tiroir de bureau où je range mes outils : il est protégé par une combinaison à quatre chiffres.

— Il a fait une erreur, dis-je à voix basse en observant le papier.

— Qu'est-ce que vous voulez dire ? M'interroge mon cohabitant.

— Klaus ne m'appellerait jamais « Selens. » Même si on venait à se disputer.

— Et cette façon de vous appeler ainsi vous évoque quelque chose ?

— Pas vraiment, j'avoue. Il y a bien ma cousine, mais c'est peine perdue. Je peux facilement prouver où elle a passé le reste de la nuit. Il y a votre frère, aussi. Cependant, c'est presqu'un jeu entre nous, il est plus facile de nous appeler par nos noms de famille. Ce n'est pas blessant, ni insultant.

— Je doute sincèrement que Mycroft s'amuse à vos dépens de cette façon. Je suis d'accord pour l'ôter de la liste.

Tout à coup, je repense à Elizabeth, mais surtout à la conversation que nous avons eue dans notre fumoir improvisé, hier soir.

— Il y a eu un autre... je souffle. Enfin, quelqu'un que je ne considère plus vraiment comme une personne, qui pouvait m'interpeller par mon nom de famille. Toutefois, c'est impossible qu'il s'en prenne à moi de cette manière.

— Pourquoi ? S'empresse de demander Sherlock avec un vif intérêt.

— Vous allez trouver cela stupide, je me défends en lâchant le mot et me laissant tomber sur le sofa.

— Laissez-moi juge, insiste-t-il.

— Cette...

Navrée, mais je bloque vraiment sur l'aspect humain de ce type.

— C'est celui qui a volé PEATIM il y a quelques années, Sherlock. Il est loin maintenant et il ne connaît même pas l'existence de C.H.E.S.S. Ça reste donc peu probable qu'il cherche à m'effrayer, non ?

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now