Chapter 89.5

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Bonjour/Bonsoir ! 

Je ne pouvais pas laisser Jude s'en sortir comme cela, vous vous en doutez bien ? 

Alors, ça vous dit un petit extrait de  Hakan qui lui fait bouffer sa camisole, à la vieille tante ?


Quand je reviens au manoir, j'entre sans que personne ne vienne à ma rencontre. Quand je me rends dans le salon, je constate qu'ils sont tous là : tous. La fille de John, mon frère et ma cousine, avec ma tante en retrait. Quentin aussi, est présent, seul Charles a déserté, mais il est censé être en congé, alors je dirais que c'est normal de ne pas le voir souvent, en ce moment. Ils m'attendaient, tous m'attendaient (oui, je me répète.) Ils n'osaient pas venir vers moi, de peur de ce qu'ils allaient trouvé comme spectacle, j'imagine.

Leif est le seul à se lever pour me faire face, le regard inquiet. Il voit ma mine déconfite, ce collier que je tiens dans la main comme s'il s'y était greffé. Là, il comprend.

— Non, bredouille-t-il.

— Je suis désolée, dis-je dans un murmure.

Les pleurs déforment son visage tandis qu'il se précipite vers moi et se glisse dans mes bras. Je lui frotte le dos, pour essayer de le calmer. Cela me semble durer une éternité. Je ne pleure plus, j'ai tout évacué dans le simulacre de salle de réanimation, un peu plus tôt.

Pourtant mon cœur saigne encore d'un liquide noir, putride et brûlant.

— J'ai fait du thé, annonce Quentin qui assiste à la scène, dans l'encadrure menant à la cuisine. Je vais vous l'apporter.

— Merci, Quentin, je déclare. Je peux avoir une grande tasse ? J'en ai besoin.

Aussitôt il disparaît. Toujours à jouer sur le tapis, Rosie me dévisage, inquiète. Le même air s'est collé sur la figure de ma cousine, qui me guette depuis le sofa. La seule personne qui reste impassible, dans cette maison, c'est ma tante Jude, dans son éternel fauteuil, à regarder par la fenêtre. Duchesse trône fièrement, assise à ses côtés. Alors que cela me laissait indifférente jusqu'à maintenant, cela m'inspire un profond dégoût et une haine toute aussi profonde.

Elle ne mérite pas pareille compagnie, non, car je sais ce qui est à l'origine de la mort de Baron : « ingéré de grandes quantités de paracétamol... » Qui a mis ce paracétamol dans mes gélules, je vous laisse le dire à voix haute. Criez-le, même ! Pour ma part, je me contiens encore, mais plus pour longtemps.

Allez-y, osez me dire que, même vous, vous commencez à haïr cette bonne femme.

Je n'ai jamais rien dit depuis que je suis arrivée, aucune de ses réflexions de tarée paranoïaque ne m'a faite réagir, ses attaques gratuites sont restées sans réaction de ma part, même quand j'ai appris pour le remplacement de mes cachets de morphine, j'ai conservé le silence. Je ne voulais pas lui accorder le moindre crédit, je me tenais pour faire plaisir à Lizzy. C'est sa mère, après tout.

Nous serrant l'un contre l'autre, Leif et moi regagnons le sofa où ma cousine se trouve déjà. Je suis éreintée de ma journée et nous n'avons pas encore dîné. Je n'abandonne pas ce collier de chien, comme s'il était devenu le symbole de cette nouvelle douleur que je porte. Je suis triste, triste et vide.

Comment perdre un chien peut être si violent ? Comment cela peut faire si mal ? J'ai perdu des êtres qui m'étaient chers, je les ai regrettés. Non, réflexion faite, je les regrette toujours. Mais cette tristesse-là, récalcitrante, est radicalement différente.

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now