Chapter 9

1.8K 174 75
                                    

Ce matin, c'est avec une flemme inhabituelle que je m'étire sous les draps. Cela fait des jours que je me couche tard, en écoutant le violon chanter un étage en dessous de mon lit, bercée de notes douces ou piquantes. Mon sommeil est parfois trop court, mais pas aujourd'hui.

Tiens, en parlant de musique... Ramdam de dingue en bas. Combien de temps ai-je dormi ? Je regarde rapidement mon portable qui est resté dans ma main : dix heures passées ! Merde !

Je croise Sherlock descendant l'escalier pour sortir, John sur les talons.

– Nous sortons, ne nous attendez pas ! dit mon colocataire avant de partir

– Il y a quelqu'un pour vous qui vous attend, ajoute John avant de le suivre.

– Amusez-vous bien, les garçons ! je réponds en me frottant les yeux comme une gamine.

J'essaye d'avoir le ton léger et de paraître amicale. C'est moins difficile que ça en a l'air : je suis ravie que Sherlock sorte un peu. Sans vouloir me montrer inhospitalière, je me sens parfois surveillée par lui... Vous savez, en permanence.

Je baille longuement. Qu'est-ce que John a dit en sortant, au fait ? Ah, oui, il y a quelqu'un qui attend. Quoi ? Mais qui ? Lizzy m'a déjà vue, elle ne trainerait pas dans le quartier. Il ne reste qu'une seule personne... La seule pour qui je donnerais tout ce que j'ai.

– Leif !

L'accolade dure longtemps. Très longtemps. Aux gens qui disent que je suis sans cœur, que je n'ai aucune émotion, ni pour rien, ni pour personne : vous ne m'avez jamais vue avec mon frère. Il est tout ce que j'ai de plus précieux sur cette lamentable planète. On ne s'est pas encore vu depuis que je suis arrivée en ville, mais c'est comme s'il était parti à l'université la veille.

– Comment tu as su que c'était moi ? demande-t-il enfin.

– Ça empeste l'intello pubère dans tout Baker Street, j'en suis sûre. Et toi, comment tu as su où je me trouvais ?

– J'ai demandé ton adresse à Lizzy.

On se sépare enfin : il était temps, je ne pouvais plus respirer ! Comment ça je sais pas ce que je veux ?

– Lizzy, tu dis ? Ça devient sérieux entre vous, dis-moi.

– Arrête de rêver, dit-il gêné. En plus, je crois qu'elle a quelqu'un.

– Si c'est le cas, elle m'a rien dit du tout.

– C'est rien. Rassure-toi, j'ai autre chose à faire que de succomber à des charmes imaginaires.

Nous montons dans ma chambre, ses longues boucles brunes bougent au rythme de sa montée et cela me fait sourire. Le coiffeur est son ennemi. Il porte encore sa sacoche de cuir : on dirait le facteur. Il a toujours été un peu vieux-jeu : j'aime beaucoup son air de premier de classe, c'est vrai. Il s'installe sur mon lit sans même me demander la permission. Il se permet même de regarder mon portable.

– Tu as deux messages non lus.

– Je ne te permets pas !

Je m'empare du téléphone tout en changeant de conversation.

– Lizzy t'a dit que je comptais suivre une formation en gestion d'entreprise ?

– Oui, avec un concours d'admission, du jamais vu. Figure-toi que c'est pour ça que je suis là.

Il y a plusieurs jours, on ne se parlait plus, j'étais morte d'inquiétude à son sujet. Maintenant, le voilà en train de m'aider comme si de rien n'était. Nous sommes une fratrie étrange et je ne changerai cela pour rien au monde, sachez-le.

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now