Chapter 88

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Bonjour/Bonsoir !

Tout d'abord, je tiens à m'excuser pour l'ascenseur émotionnel que vous vous apprêtez à vivre. 

Si c'est éprouvant pour vous, sachez que ça l'a été pour moi aussi, un peu de compassion, s'il vous plaît. 

N'hésitez pas à marquer des pauses dans votre lecture, je ne plaisante pas, je comprendrais facilement que ce soit difficile...

Ah ! Et bonne fête nationale à tous les belges. Toutes mes pensées à vous en espérant que vous n'avez pas souffert des inondations et que vous êtes en sécurité avec vos proches.

Bonne lecture, malgré tout...

Je jette un œil dans le rétroviseur à l'arrêt devant le feu tricolore. Derrière moi, Rosie ne dit rien, elle se contente d'admirer le paysage avec un sourire léger sur les lèvres. J'ai l'impression de revoir Leif quand il était plus jeune. Il contenait tellement ses émotions, il les cadenassais si fort qu'il tremblait d'excitation tout en s'emmurant dans le silence pour ne rien laisser transparaître.

Comment peut-on être si intelligent et s'infliger de tels tourments comme se retenir d'exprimer à quel point on est heureux ? Comment ça, on pourrait me retourner la question ? Je ne vous permets pas !

En parlant de Leif, c'est justement lui qui se trouve à l'arrière avec nous, pour le trajet du retour. En effet, John juge que ma conduite est beaucoup trop agressive à son goût. Il a préféré demander à Charles d'être son chauffeur. Il a bien tenté de prendre sa fille avec lui, mais sans succès : quand Sherlock est dans les parages, elle reste dans les alentours. Je m'attendris à chaque fois en voyant cela, ces deux personnes qui ont pourtant du mal à communiquer avec le monde entier, mais qui entre elles, semblent se comprendre et s'apprécier sans même parler...

Ça suffit avec vos histoires de me « retourner la question. » Entre Sherlock et moi, c'est différent. Relativement différent, certes, mais différent tout de même.

Je redémarre au vert, mais je surveille toujours mes deux passagers sur la banquette arrière. Progressivement, les yeux de l'enfant se ferment à plusieurs reprises. Elle sera certainement endormie avant même que nous arrivions à la maison, avec les embouteillages. Quant à mon frère, il a déjà cessé de lutter et, avec son casque sur les oreilles, il a déjà clos les paupières pour d'autres songes.

Nouveau carrefour, nouvel arrêt. Circuler dans la capitale en voiture est un enfer, on a régulièrement plus de facilités à se déplacer à pied. J'en profite pour laisser ma main quitter le levier de vitesse et se poser brièvement sur le bras de Sherlock, toujours à ma droite, afin de l'interpeller sans réveiller les deux autres.

— Merci d'avoir joué le jeu.

— C'était moins pénible que je le supposais, admet-il sans me regarder.

À vrai dire, je ne quitte pas le feu du regard, mais c'est parce que je n'ose pas le regarder en face non plus. Tout à coup, je sens ses doigts glisser sur les miens. Presqu'immédiatement, la chair de poule parsème mon corps entier.

— Alors, vous ne vous êtes pas trop ennuyé, je m'assure en risquant un sourire.

— Non, c'était un peu comme le gala auquel je vous ai accompagné. Je n'étais pas spécifiquement à ma place, mais cela m'a permis d'en découvrir plus sur vous et, même, de profiter d'un aspect de vous que vous n'admettez jamais.

Une colocataire irascibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant