Chapter 4

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Que tous ceux qui ont déjà eu l'impression de vivre un jour de leur vie sans vraiment être présent d'esprit lèvent la main ! Je suis là, dans ma nouvelle chambre qui ne me ressemble pas, dans laquelle je ne me retrouve pas, et ce, sans avoir rien saisi de ce qui m'arrive. Elizabeth m'a gâtée, c'est vrai : j'ai un bureau terriblement long et large avec des dizaines de tiroirs de part et d'autre du meuble. Dedans, je retrouve pas mal d'outils. Mes outils !

Pour votre gouverne, j'adore chipoter à tout. Quand j'ai eu sept ans, suite à un accident de voiture, je me suis retrouvée alitée un long moment. Alors j'ai appris à m'occuper l'esprit différemment. La lecture ne m'amusait plus, j'ai réussi à obtenir un tournevis pour resserrer les petites roues de mon déambulateur. Par la suite j'ai cherché à l'améliorer et de fil en aiguille, je me suis prise à ce jeu. Mon père a toujours pensé que les constructions un peu étranges qui traînaient dans le manoir étaient l'œuvre de mon mari. S'il avait seulement su que toutes ces machines provenaient de mes mains délicates de future dirigeante... Comment ça, vous sentez monter le sarcasme ?

Ma canne d'apparat, c'est moi qui l'ai mise au point. Sherlock avait raison : c'est une arme complète. Elle possède un spray au poivre dans une partie du pommeau, un poison de contact dans l'autre, une lame à une extrémité et, ma plus grande fierté, une arbalète. Bon, ce détail, c'est plus pour la frime que pour me défendre, je l'admets. Cependant, je suis fière de ma réalisation, même si elle n'est pas encore parfaite. Pourquoi je fais cela ? Je vous l'ai déjà fait remarquer, je me méfie des gens.

Cette chambre ne m'est familière qu'en un seul point : les photos. Ma cousine a pris la peine d'en remplir un mur entier. Plusieurs cadres me dévisagent, représentant des personnes que j'apprécie énormément : amis, famille... Comme s'ils veillaient tous sur moi depuis le papier peint. Rapidement, je pianote sur mon téléphone.

To Lizzy : « Merci pour les photos, elles sont magnifiques. »

Je n'ai pas eu le temps de ranger mon instrument dans ma poche que la réponse me parvient déjà.

Lizzy : « Remercie plutôt les archives de Selens Inc.,

ce sont eux qui ont trouvé la plupart des clichés. ; - ) »

Je m'apprête à répondre à mon tour quand quelqu'un frappe à la porte. Je me précipite pour ouvrir et tombe nez-à-nez avec le docteur Watson.

– Bonsoir, dis-je simplement.

– Bonsoir, vous... Vous êtes bien installée ?

– Autant que je puisse l'être. Entrez donc...

– Oh non, je ne me permettrais pas, je passais juste et...

– Entrez, sinon vous allez me vexer.

Je tente de plaisanter et je pense qu'il l'a très bien compris. C'est agréable de ne pas sans cesse se faire prendre pour une enquiquineuse. Pas besoin d'en savoir plus sur le médecin pour savoir que c'est un gentil bonhomme. Il forme un duo assez atypique avec l'autre énergumène qui partage désormais mon toit.

John poursuit, il a l'air mal à l'aise. Il entre et découvre, comme moi quelques heures plus tôt, mon nouveau lieu de vie. Il remarque une chose qui me laisse un peu perplexe.

– Vous avez réussi à ouvrir la fenêtre ?

– Euh... Oui, pourquoi cette question ?

– Quand j'occupais cette chambre, je n'ai jamais su l'ouvrir plus que quelques centimètres.

– Oh, ça. J'ai rapidement enlevé la fenêtre de ses gongs, poncé un peu et voilà.

– Vous ? demande-t-il en insistant sur le "vous", vous avez fait ça ?

Je me mets à sourire, je suis fière de l'impressionner, comme une gamine de quatre ans, mettons cinq.

– Ce n'est pas si compliqué.

Je me montre laconique dans un but bien précis, il se perd en détails sordides pour éviter de me poser une vraie question. Une question que je devine sérieuse. La preuve, il s'intéresse ensuite à la série de portraits sur les murs. Il y a pas mal de visages... J'espère qu'il ne compte pas les mentionner un par un : je ne vais pas y passer la nuit.

– Vous aviez dit que vous aviez un frère. Il est sur ces photos ?

– Oui, celle-ci à droite. Il aura 17 ans cet hiver.

Ce n'est pas qu'il n'est pas à l'écoute de ce que je lui raconte, mais je vois bien que quelque chose le taraude. Et je n'aime pas faire traîner inutilement une situation qui ne s'y prête pas.

– Dites-moi ce qui vous tracasse, je tranche.

– Moi ? joue-t-il étonné, mais rien.

Je le regarde en levant un sourcil. Il a un air faussement sérieux. Si, si, je vous assure que c'est possible ! Il finit par lâcher le morceau.

– Je sais qu'il est un peu tôt dans la soirée, mais je comptais aller manger à l'extérieur. Je me demandais si cela vous tenterait de m'accompagner. Oh, en tout bien tout honneur, bien entendu.

– Bien entendu, je ricane avant de poursuivre, Allons-y dans ce cas. J'avoue ne pas avoir manger depuis hier soir.

Sans plus de fioriture, j'enfile ma veste en tweed et nous sortons.

*

En tout cas, merci de supporter mes frasques littéraires, c'est un plaisir de vous divertir, même si j'ai souvent l'impression d'écrire trop et que l'histoire n'avance pas ! Je voulais en écrire plus dans ce chapitre, mais la situation ne s'y prêtait pas.

Ici, on démontre que Hakan a vraiment deux faciès. Le premier, celle de la femme d'affaire qui a tout appris de son père : gentille, polie, raconte pas sa vie, associe rapidité avec efficacité. L'autre, c'est la jeune fille qui a besoin d'étancher sa soif de liberté : occupe souvent l'esprit avec ses outils, invente et crée... Elle essaye de vivre au mieux avec ces deux parts qui compose sa personnalité. Difficilement, mais vous verrez que ce n'est pas impossible.

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now