Chapter 10

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Tout en préparant le dîner, je chantonne ce qui ma passe par la tête. C'est une chanson qui date de mon adolescence : j'ai toujours un morceau ou l'autre qui peut survenir de façon impromptue. Allez savoir pourquoi j'entonne en français depuis que mon poulet cuit dans le four.

– C'est toi la dame qui nous invite à manger ?

Je me retourne en sursautant, une petite fille est là, en me regardant de la tête aux pieds. Je m'accroupis pour la regarder dans les yeux. C'est vraiment une jolie petite fille, avec un air très réfléchi pour un enfant. Franchement, je n'ai jamais beaucoup apprécié les marmots : ça braille, ça court partout et en plus je leur fais peur. Alors qu'il y en ait un qui vient vers moi et qui n'a pas trop l'air embêtant, c'est plutôt une bonne chose.

– Oui, dis-je en forçant un sourire, Je m'appelle Hakan. Et toi tu dois être Rosie je me trompe ?

Elle acquiesce.

– Tu es jolie, ajoute-t-elle atone.

Là, je ne sais pas si elle dit ce qu'elle pense ou si elle répète juste ce qu'on lui a appris. C'est difficile de sonder les pensées d'un enfant. C'est un peu pour ça aussi que je me méfie des gosses.

Je devine votre petit sourire narquois, vous avez raison : je ne sais pas quoi répondre tant je suis gênée. Comme je voulais passer un peu de temps avec mes colocataires, j'ai proposé qu'on se réunisse à table. Alors, pour marquer l'occasion, j'ai enfilé une robe verte trouvée parmi les multiples tenues laissées par Elizabeth. Je n'avais pas encore acheté de robe depuis mon arrivée à Londres, il faut bien que je cherche quelque chose qui fasse la blague...

– Tu es très jolie aussi, je réponds après une courte réflexion, Avec cette petite robe blanche, on dirait une vraie princesse.

– Tu aimes le vert ? demande-t-elle toujours sur le même ton.

– Bien sûr, je réponds étonnée, Mais tu sais, ce n'est pas parce qu'une couleur est ta préférée que tu dois la porter tout le temps.

– Je pensais que c'était pour ça que papa s'habillait souvent en bleu.

J'en reviens pas, si j'en crois le ton qu'elle emploie, c'en est presque de l'ironie. Pense-t-elle vraiment ce qu'elle dit sur le choix de garde-robe de son père ou... ? Je ris... Elle est géniale, cette gamine, finalement. Elle se met enfin à sourire. J'aperçois enfin John qui arrive derrière elle, sans doute plus lent à grimper les escaliers, il attend que les présentations se fassent, de loin. Lui aussi, en plus de s'être changé, il a fait un effort vestimentaire.

J'avais tellement besoin d'une soirée comme celle-ci, pour me sentir mieux : de vivre comme dans un semblant de famille, montrer que je peux enfin m'intégrer à quelque chose. Surtout après m'être enfermée dans ma chambre tout ce temps. Voilà tout compte fait ce qui me sépare un peu du caractère de mon colocataire : parfois, j'ai besoin de la présence d'autrui pour m'apaiser. Avec modération, mais cela m'est nécessaire tout de même.

La petite fille s'amuse avec quelques livres trouvés dans la pièce. Je rejoins John qui commence tout de suite par des excuses.

– Elle est très vive. Parfois ses questions sont étranges aussi et...

– Je l'aime bien, elle est gentille. dis-je pour le rassurer.

– Où est Sherlock ?

– Je l'ai envoyé prendre une douche. Je crois qu'il s'est enfermé pour bouder jusqu'à ton arrivée. Ça vous prend souvent de flâner dans les égouts ?

– Je ne sais pas laquelle des réponses que je pourrais te donner est la pire.

– Essayez d'aller vous amuser sans vous salir la prochaine fois.

Une colocataire irascibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant