Chapter 28

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On revient à notre point de vue classique, celui de Hakan. La comparaison de la même scène sous les deux regards vont peut-être (si vous êtes observateur) vous éclaircir les idées sur les impressions de l'un et de l'autre sur leur colocataire. 

Du coup, on revient légèrement en arrière, ajoutant encore un peu de tension à votre attente, ne tapez pas !

Allez, fini le suspense ! La théorie de la jeune Selens sur l'accident de voiture, c'est maintenant !

*

« J'attends de voir la suite des examens pour me prononcer, mais il serait peut-être judicieux de corriger le problème chirurgicalement, dès aujourd'hui.»

Entendre ça de la bouche du docteur Whitesorrow, qui répudie ne serait-ce que l'idée de me charcuter à nouveau, cela me provoque un pincement au cœur que je soupçonnais être brisé depuis longtemps.

La première prothèse, celle de la cuisse, remplit parfaitement son rôle. En revanche, celle qui compose mon genou artificiel joue les rebelles. Elle se déplace pour on ne sait quelle raison... jusqu'à présent ! Les examens complémentaires que je vais me farcir aujourd'hui devront apporter quelques éclaircissements. De là, on va aviser. Enfin, je dis « on », mais c'est Whitesorrow qui prend la meilleure décision et, dans tous les cas, je me plie à son choix. Je ne suis que le monstre : Frankenstein, c'est lui.

Quand je sors du bureau du chirurgien, Sherlock est là, patient, mais il ne peut s'empêcher de commenter ma sortie en solitaire. Il s'arme d'un faux compliment du style :

– Vous avez été rapide.

Je sais comment il joue, on ne me la fait plus, à moi. Il y a bien des semaines que je ne cherche même plus à lui mentir, même par omission. Alors, je me contente de lui annoncer la suite du programme, qui s'avère tout aussi trépidant qu'un tournoi de canasta dans une maison de retraite.

– J'aimerais bien dire que j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, je commence, mais...

– Mais vous ne me mentirez pas, m'interrompt le détective semblant lire dans mes pensées.

Je hoche la tête, soulagée qu'il me comprenne aussi vite, avec tant de précision. Je prends une courte pause et prend place à côté de lui. Je dois avouer que sa présence, bien que particulièrement difficile à endurer par moment, me procure un sentiment de calme qui me manque cruellement. Les récents événements ne me donnent pas la chance de me reposer, mais Sherlock, lui, me permet de souffler. Pas besoin de me justifier des heures en sa compagnie, un regard suffit pour qu'il transperce mon regard et qu'il comprenne ce que... ce que je ne veux pas qu'il comprenne, en fait. Après mûre réflexion, je n'ai rien contre le fait de lui être transparente de temps en temps.

En soulevant le tissu de son manteau, il révèle un bouteille d'eau obtenue très probablement à un distributeur quelconque de la clinique. La condensation sur la surface, s'effaçant sous les traces de doigts de mon colocataire, m'apprend que le contenant est bien frais.

– Vous aviez déjà fini celle de votre sac, me sert-il comme excuse. Je me suis dit que ça pourrait vous être utile.

– Et par conséquent, que je serai plus apte à vouloir parler avec vous, n'est-ce pas ? Je devine d'emblée non sans abhorrer un petit sourire narquois.

Première règle avec Sherlock Holmes... En fait, non, d'après John, c'est plutôt la deuxième. C'est qu'il n'est jamais gentil gratuitement : il a toujours une pensée qui lui traverse l'esprit derrière. Pour le reste, avec un peu de jugeote, il devient évident qu'il attend quelque chose de moi. Et qu'est-ce qu'il attend de moi à cet instant précis si ce n'est des précisions ou des réponses à ses interrogations ?

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now