Au Cœur des Flammes T1

Chapitre 39 (2/2)

— Indigo ? souffla-t-il, sa voix rendue tremblotante par l'espoir, sa main se posant sur les lattes en PVC qui couvraient les murs extérieurs, comme pour s'y raccrocher, ne pas tomber.

— Oui !

La jeune femme lâcha subitement la manche de Wraith et se précipita sur son oncle. Le démon ne chercha pas à la retenir. D'un, elle aurait réussi à trouver un autre moyen pour s'écarter, et de deux, ce vieillard n'avait pas l'air hostile. Juste un peu sale et étrange. Mais par prudence, Wraith avait déjà analysé la situation : Oward ne cachait pas de lame dans ses manches – les ondulations du tissu souple n'étaient pas perturbées lorsqu'il bougeait les bras –, sa chemise de nuit de femelle ne possédait pas de poches – aucune arme cachée ici non plus et il avait l'air content de voir Indigo. À la limite, il pourrait cacher quelque chose sous son bonnet, ou peut-être une petite grenade au bout de ses chaussons – ses grands pieds semblaient un peu suspects aux yeux de Wraith. Mais si cette hypothèse s'avérait exacte, il aurait le temps d'intervenir et de l'attacher pour le torturer avant qu'il ne puisse faire le moindre geste offensant envers son alter ego. Il ne fallait pas le tuer tout de suite, cet homme avait des informations pour éclairer la situation des menaces à l'encontre d'Indigo.

Wraith regarda sa compagne franchir les quelques mètres qui les séparait en courant... pour s'arrêter à deux pas de son oncle. Qu'un autre homme que lui soit plus près de son alter ego aurait dû le mettre hors de lui... et c'était effectivement le cas. Il avait beau avoir muselé provisoirement son démon, Wraith entendait quand même ses plaintes et son envie dévorante d'éliminer le vieillard. Il n'avait pourtant rien à craindre de cette personne à l'air âgé, mais c'était fou de penser qu'il était quand même jaloux de cet homme au service trois pièces hors-jeu depuis des années. Prenant son mal en patience, il s'autorisa quand même un petit surplus et s'approcha d'eux, restés silencieux l'un en face de l'autre. Il s'arrêta juste deux petits pas derrière elle. Il était persuadé qu'elle parvenait à sentir sa chaleur, même s'il ne la touchait pas.

Les mains fébriles d'Oward planaient au-dessus des épaules d'Indigo, comme s'il n'y croyait pas ou qu'il n'osait pas la toucher. Wraith serra les poings. Il ne fallait pas que l'autre la touche. Et en effet, il ne la toucha pas ; ce fut Indigo qui se jeta sur lui.

Wraith essaya de rester stoïque. Vraiment, il essaya – mais bordel, c'était dur. Son démon rugit et se libéra de ses entraves. Il ne supportait pas de voir son alter ego dans les bras d'un autre – fussent-ils les bras d'un vieux. C'était comme ça, il n'y pouvait rien, malgré sa relative bonne volonté. Wraith ne put s'empêcher de gronder dans sa direction. Il se serait bien foutu des claques – et c'est ce qu'il aurait fait si ces poings n'étaient pas si serrés. Le démon vit nettement les épaules d'Indigo se crisper, mais Oward ne parut pas entendre ses grognements, trop perdu dans ces retrouvailles – ou alors il faisait la sourde oreille.

Ce fut Indigo qui rompit leur étreinte la première, mais les mains du vieux étaient encore sur ses avant-bras, heureusement couverts par sa veste légère. Son visage ridé semblait à deux doigts de se déchirer sous son sourire. Ses dents blanches et droites semblaient presque incongrues sur son visage. Wraith renifla. À tous les coups, c'est un dentier.

— Tu as tellement grandi, Indigo... Je n'arrive pas à le croire, s'émerveilla-t-il. Tu es devenue une femme maintenant. La dernière fois que je t'ai vue, tu m'arrivais ici, continua-t-il en montrant de sa main à plat sa taille. Tellement grande...

Bon, elle est pas si grande que ça, merde ! cria intérieurement Wraith. Tu l'as connue bien avant moi, j'ai compris, c'est bon ! Mais maintenant, elle est à nous, rajouta son démon.

— Heureusement que j'ai grandi en presque quinze ans ! s'exclama Indigo en souriant. Il ne manquerait plus que je fasse encore la taille d'une petite fille – fille qui avait besoin qu'on lui change ses couches car elle faisait pipi partout !

Oward rit, et cela modifia son être. Paradoxalement, il parut tout de suite moins ridé. Wraith décida de se méfier encore plus de lui.

— Tu n'as pas changée.

Si, elle avait changée. Elle était à lui maintenant. Wraith commençait à en avoir ras le bol, même si ça ne faisait pas longtemps qu'ils étaient là. Oward sursauta, comme s'il venait de prendre conscience qu'ils étaient encore sur le pas de la porte. Il baissa les yeux sur Rex.

— Tu as même un chien ! (Il le gratifia d'une caresse entre les oreilles. Wraith regretta qu'il ne lui arrache pas la main d'un coup de dents. Il essaya de lui transmettre mentalement cet ordre, mais l'animal n'obéit pas. Putain, il est franchement inutile !) Comment s'appelle-t-il ?

— C'est Rex le T-Rex.

— Comme c'est... charmant. (Il eut un sursaut.) Mais entre, voyons ! s'écria-t-il.

Wraith se demanda s'il faisait exprès ou non de l'ignorer, il délibérait encore. Il ne lui avait encore jeté aucun regard, alors que même humain, il devait sentir le regard mortellement glacial de Wraith le détailler de haut en bas.

— L'homme qui m'a passé un coup de téléphone pour m'annoncer votre visite, c'était ton mari ?

— Mon mar... ? commença Indigo.

Wraith, énervé, s'avança soudain dans son dos, la surplombant. Son ombre recouvrant la jeune femme. Lui montrant qu'elle était à lui, et non à lui. Il croisa enfin le regard d'Oward, qui écarquilla les yeux en reculant d'un pas, percutant une sculpture recouverte de mousse.

— Son mari, oui, termina-t-il froidement en lui tendant une main sûre.

Indigo glapit et Oward serra sa main d'une poigne moite et molle, le regardant par-dessus la tête de sa nièce. Cet humain dégoûtait Wraith et hérissait son démon. Il ne parvenait pas à s'empêcher de fusiller du regard ces petits yeux porcins. Puis-je le dépecer ? se demandait sans relâche l'esprit dérangé de son démon. Avec douleur et avec mes dents. Sans aucune d...

— Wraith, se présenta-t-il d'une voix d'outre-tombe. Le mari.