Prologue (1/2)

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Il y a des millions et des millions d'années, Tunghlad donna naissance à la vie en partageant son eau si pure.

En faisant tomber des gerbes de pluie à intervalles réguliers, elle commença à faire pousser des plantes, qui se mirent à grandir et grandir jusqu'à se transformer en de majestueuses forêts verdoyantes. Désireuse de compléter la flore déjà présente, elle créa une faune diverse afin de boucler le cycle de la vie. Selon Tunghlad, les feuilles des arbres nourriraient les insectes, qui nourriraient des mammifères plus gros, qui eux-mêmes régaleraient les animaux plus imposants et, en mourant, les carcasses se décomposeraient pour nourrir à leur tour les arbres qui leur auraient tant donné. Une sorte de remerciement muet.

Mais cela ne se passa pas comme prévu. À peine les animaux virent-ils le jour que la mort survint, les emportant dans le néant.

Tunghlad, dévastée, pleura des jours entiers la disparition de ses enfants, terrassée par son erreur et la douleur de les avoir fait courir seuls à leur perte. Dans le brouillard qui suivi son chagrin, elle ne se rendit pas immédiatement compte que chacune des larmes versées coulait dans son eau si précieuse, la souillant alors de son sel. Et lorsqu'elle remarqua que l'herbe aux alentours des points d'eau contaminés avait complètement séchée, Tunghlad dût se rendre à l'évidence : son eau n'était plus si vierge. Et les plantes n'aimaient pas le sel de sa nouvelle source.

Mais heureusement pour elle, quelques lacs furent épargnés de ses pleurs, perdurant ainsi la pureté de son eau de vie.

Tunghlad, frustrée de son précédent échec, réfléchit un long moment avant de réitérer l'expérience. Elle dota donc les arbres – ses seuls survivants – de la faculté de produire une matière qui maintiendrait la faune en vie. Alors l'oxygène fut. Ainsi, les animaux furent de nouveau envoyés sur la terre ferme, aux quatre coins du globe, et très loin de l'eau impure. Cependant, curieuse du résultat, elle tenta néanmoins de placer avec précaution un animal qu'elle nomma Poisson au bord de la rive afin qu'elle puisse le restituer sur la berge en cas de nécessité. Mais, étrangement, Poisson sembla se plaire dans l'eau salée. Alors elle déversa des milliards d'autres frères à ses côtés afin de le remercier de sa vigueur.

Et, pour être certaine que tous ses enfants seraient forts et en bonne santé, elle les gratifia d'une évolution accélérée. Certains apprirent à faire du feu et à repousser les bêtes sauvages afin de maintenir l'équilibre des races. Ceux-ci apprirent aussi à se tenir sur deux jambes afin d'être capables de voir au-dessus des fourrés qui n'en finissaient plus de pousser, à construire des abris, à inventer les premières notes de musique...

Et d'autres apprirent à voler entre ciel et terre, à marcher sur l'eau, à invoquer les morts et à pouvoir déplacer des cailloux par la seule force de leur esprit.

Les précédents étaient visiblement beaucoup plus dangereux que la catégorie qui se contentait de dessiner grossièrement des formes humanoïdes sur les murs de grottes sommaires.

Mais c'était l'ordre des choses. Il y avait toujours des forts et des faibles. Exactement comme Lion et Gazelle ou Chien et Chat. Même Poule et Ver De Terre se chamaillaient. Jusqu'à mort, parfois. Mais malgré toute sa bonne volonté, Tunghlad n'y pouvait rien.

Mitigée quant à l'avenir plus ou moins certain de ses enfants, Tunghlad se retira, elle ne pouvait plus rien faire pour eux. Elle fut toutefois un peu rassurée en les voyant lutter pour rester en vie.

Alors de loin, elle observa ses enfants grandir, ne jugeant aucun de leurs actes, pourtant ô combien stupides parfois.

Les générations se succédèrent, s'agrandirent, se répandirent, s'étalèrent jusqu'au bord des falaises, si vite que Tunghlad en perdit le compte.

Au Cœur des Flammes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant