Au Cœur des Flammes T1

Bonus _ réunion de crise

— Nous ?! s'exclamèrent de concert les Frères.

— Normalement, tu fais tout le job toute seule, reprocha Waive d'un ton venimeux, alors qu'il s'amusait à se dessiner des visages flous et sanguinolents sur les cuisses à l'aide de son couteau.

Anastasia se laissa tomber sur le siège en bout de table, en face de la tête déconfite de Reaver. Se passant une main sur le front, elle soupira.

— Les choses changent, dit-elle fatalement. (Le silence se fit sépulcral dans la pièce. Après un instant de silence, elle reprit la parole.) Ils se posent des questions, ajouta-t-elle comme à regret.

Trez, assis à califourchon sur sa chaise, avant-bras croisés sur le dossier, laissa retomber sa tête en avant.

— C'est pas vrai, gémit-il contre sa peau sombre aux tatouages blancs.

— Il fallait bien qu'une couille arrive à un moment, répliqua Wraith en lissant ses cheveux en arrière d'une main.

L'auteure se racla la gorge et regarda tour à tour les personnes présentes.

— Et l'heure est venue, guerriers. L'heure terrible... des questions.

Des gémissements se firent entendre autour de la tablée. Même Rex le T-Rex geignit, la tête entre ses pattes avant, couché aux pieds de sa maîtresse. Il devait sentir que même lui n'y couperait pas.

Anastasia se racla la gorge et commença le discours qu'elle avait longuement préparé et apprit durant toute une après-midi.

— Il arrive un moment dans la vie d'un auteur où même les lecteurs pensent en lisant mes mots que vous, mes chers personnages, êtes vivants. Ce jour-là... (Elle pinça les lèvres. Et soupira.) Ouais, non. (Anastasia secoua la tête et se passa nerveusement les mains dans les cheveux.) Fichtre, je ne sais pas comment finir cette phrase, rit-elle d'un air coincé. J'ai oublié. Mais j'avais appris, promis !

— Pas grave, dit Crimson en faisant la moue. (Il croisa les bras.) Viens-en au fait.

Anastasia pinça une nouvelle fois les lèvres et hocha la tête, le regard déterminé.

— Tu as raison. Je suis là pour ça, dit en levant la paume vers le ciel. Trez, je te prie ?

Sa main fut soudain enveloppée d'arabesques vertes, et un carnet rose apparut entre ses doigts quand elles se dissipèrent.

— Merci bien. (Elle secoua le cahier.) Tout est là. Commençons, voulez-vous.

— Comme si on avait le choix, de toute manière, marmonna Shade.

L'auteure tourna un long moment les pages, jusqu'à trouver ce qu'elle désirait.

— Ah ! s'écria-t-elle soudain. Là ! Donc... Shade. (Tous les regards se braquèrent sur lui, et il se sentit un peu observé.) Ouh, grimaça Anastasia, question cocasse. Et peut-être pas la meilleure pour commencer, dériva-t-elle. Mais bon, tant pis. Alors, pourquoi bois-tu ? Question que nous nous posons tous.

Shade se recula dans sa chaise en croisant les bras. Il n'aimait pas du tout le sens que prenait cette discussion. Il n'avait rien demandé, merde ! Et il sentait aussi les interrogations muettes de ses Frères. Il avait parfois intercepté un regard de réprobation, mais jamais un Frère n'avait osé lui dire quelque chose sur ses habitudes... Et heureusement. Ce n'était pas aujourd'hui qu'il allait lâcher l'affaire, même pour les beaux yeux de l'auteure.

Toujours dans la provocation, Shade sortit lentement sa flasque de sa veste. Dévissant au même rythme le bouchon, il la porta à ses lèvres et la vida d'un trait, son regard argenté braqué à celui, gris, de l'auteure. Une fois vide, il prit le temps de la remettre en place, dans sa poche.