— Ces humains... soupira Crimson en secouant la tête. Tous des cons.

Wraith approuva d'un grognement. Il fit ensuite signe de continuer à Shade.

— Il y est allé. (Le vampire haussa les épaules.) J'en déduis qu'il n'a pas trouvé la petite sauterie à son goût. Il a dégobillé par là-bas (il montra d'un geste vague un endroit sombre dans la ruelle) et lorsqu'il s'est redressé, il n'y avait plus personne.

— Combien ?

— Quatre ou cinq. (Il secoua la tête.) Peut-être huit, il n'en était pas sûr.

— Connard d'incapable inutile, marmonna Wraith. Tu crois qu'ils se sont dématérialisés ?

— C'est probable, ouais.

— C'est bon, intervint Crimson. Trez arrive pour s'occuper du corps, je lui ai envoyé nos coordonnés GPS.

— Bien, grommela Wraith.

— Il devrait arriver d'une minute à l'aut...

Crimson fut coupé par une voix grave :

— Alors, il est où ce macchabée ?

Wraith et Shade se retournèrent. Ils virent tous les trois l'homme d'un mètre quatre-vingt-dix, debout au centre de la ruelle – alors qu'il n'y avait personne une seconde plus tôt.

Pas à dire, la dématérialisation, c'était cool. Sentir chacune de ses cellules exploser en une infinité d'infimes particules, se laisser transporter par le vent... pour finir par se recomposer et se sentir plus vivant que jamais... Ouais, super cool.

Bien que le lampadaire dans son dos transforme le nouvel arrivant, Trez, en une ombre, on pouvait aisément deviner sa carrure de boxeur et sa peau sombre. Les tatouages à l'encre blanche qui ressortait du col de son T-shirt et ceux qui recouvrait la totalité de son bras droit tranchaient incroyablement bien avec la nuit environnante. La gauge qu'il avait à l'oreille laissait apparaître la luminosité de la rue principale et les piercings sur son visage renvoyait des éclats argentés.

Les membres de la Confrérie qui étaient déjà sur place se décalèrent d'un pas de côté pour laisser le champ libre au nouvel arrivant.

Trez grimaça. Et siffla entre ses dents.

— Ouh... (Il laissa ses yeux vert émeraude errer sur la pauvre victime.) Ça a dû faire mal.

Il observa les sections, les os broyés, la flaque de sang brun, les éclaboussures, les barres de métal qui sortaient de toute part...

Et repoussa immédiatement les affreux souvenirs qui l'assaillirent aussitôt.

— Ouais, répéta-t-il, plus pour lui-même que pour ses Frères, ça a pas dû faire du bien, ce truc.

Wraith et Crimson pincèrent les lèvres tandis que Shade passait sournoisement sa main devant le visage fermé du moulin à paroles qui ne pouvait pas le voir, toujours sous l'influence de la transe.

— J'aurai pas aimé être à sa place, putain, lâcha le dernier arrivé.

Shade délaissa son Jack-Garret et revint vers le groupe de guerriers. Il sortit de la poche intérieure de sa veste une flasque décorée de fins filigranes en or.

Imperceptiblement, Crimson grimaça. Du scotch, sans doute. Encore.

Un jour, quelqu'un devra dire lui dire qu'il est beaucoup trop porté sur la bouteille.

Même si les effets de l'alcool étaient moindres chez ceux de son espèce, il devait avoir dans le sang une quantité d'alcool telle qu'un humain serait déjà mort d'un coma éthylique. Et pas parce qu'il se serait étouffé dans son vomis ou avec sa langue.

Inconscient de son addiction, le vampire leva la fiole plate à hauteur de ses yeux comme pour trinqué avec la victime, la porta rapidement à ses lèvres et la descendit d'un trait.

Trez avança droit vers son cadavre, plaça ses mains sur ses hanches et leva les yeux pour les planter sur le visage de la victime, désormais crispé en un masque de souffrance éternelle.

— OK, à nous deux.

Trez le fixa un long moment, détestant l'aura qui entourait le mort, synonyme de bien des horreurs.

Ses Frères ignoraient probablement la raison de son tourment, beaucoup trop personnel et déchirant pour leur avoir été raconté. Ils ne savaient pas à quoi et à qui pensait Trez en regardant ainsi le corps sans vie. Il expira lentement et repoussa la vague de remords.

Après un temps qui parût interminable à Wraith, Trez se tourna vers eux et dit avec une note de contentement qui sonnait fausse :

— Alors, on rentre au bercail ?

Sentant un sourire sardonique étirer lentement son visage, le sorcier rajouta :

— J'ai toujours aimé jouer au Docteur Maboul.

Au Cœur des Flammes T1Where stories live. Discover now