Prologue (2/2)

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Soucieux et conscients du nombre important de congénères qu'ils avaient tous perdu au cours des derniers millénaires, ils débattirent calmement durant de longues heures, sous le sourire attendri de Tunghlad, jusqu'à ce que le jour à la surface laisse place aux étoiles. Puis que celles-ci s'éclipsent petit à petit pour laisser l'aube peindre les horizons de ses vives couleurs.

Puis la sentence tomba : tous acceptèrent, un pâle sourire sur les lèvres, une infime lueur d'espoir au fond des yeux.

Afin de cesser les combats, un groupe de valeureux guerriers serait constitué. Chaque espèce devrait trouver parmi les siens un membre masculin qui serait digne de la sauvegarde de tous, un mâle d'honneur. Un guerrier, capable de faire respecter et appliquer les nouvelles lois édifiées.

Celles du Pacte.

Un Pacte qui marquerait la fin des hostilités. Une trêve parmi la violence. La paix, enfin, après des siècles de carnages passés à décimer les populations. Ce groupe de neuf puissants soldats ferait régner ordre et discipline parmi les rangs. Quoi de mieux qu'une alliance entre différentes races pour montrer que la coexistence pouvait être, sans pour autant que cela ne finisse en bain de sang ?

Tunghlad éclata d'un rire cristallin, qui fit relever les têtes de tous, des interrogations muettes dans les prunelles.

Tandis que son emportement joyeux se calmait, les neuf chefs de clans s'approchèrent cérémonieusement pour signer le parchemin de la toute récente alliance.

Tunghlad rit encore en remarquant que la signature de Métamorphe « Roi-Loup » avait laissé plusieurs trous dans la feuille faite avec la peau de Mouton, résultat de sa patte griffue et de son absence totale de délicatesse.

Dorénavant, la Confrérie du Pacte serait.

Tunghlad était heureuse du sens que prenait les vies de ses enfants, mais elle sourit encore avec plus de détermination en voyant revenir au loin Humain.

Cela fonctionna parfaitement. Du moins, dans les premiers temps.

Les Frères, bien qu'ils soient les seuls de leurs espèces dans cette Confrérie, se supportèrent relativement bien. Ils montrèrent des prouesses exceptionnelles aux combats et représentaient parfaitement l'idée que les supérieurs s'étaient fait des médiateurs intimidants.

Cependant, ne pouvant être partout à la fois, la Confrérie du Pacte avait été forcée d'avouer, qu'en l'état actuel des choses, leur travail était fortement en-dessous de leurs capacités. Ils étaient trop peu pour le nombre de coupables. Ainsi, des émeutes fleurissaient à droite alors qu'ils étaient à gauche, et, le temps de se rendre à droite, celles de gauches avaient reprises...

Ils avaient donc envisagé plusieurs solutions afin de réduire encore au maximum les attaques et, au final, ils votèrent tous à l'unanimité : il fallait une démarcation nette des territoires.

C'était une idée parfaite sur le plan théorique : si on regroupait tous les Vampire à l'est du territoire, les Métamorphes à l'ouest et les Elfes, des êtres plutôt pacifistes, au centre des deux, cela dissuaderaient les uns de s'attaquer aux autres s'ils devaient obligatoirement passer par un territoire qui n'était pas le leur.

Selon la Confrérie, même si cet extrême n'était pas infaillible, il limiterait néanmoins la majorité des assauts, surtout si certains clans étaient séparés par des océans entiers. De même, en faisant en sorte que tous les territoires fassent la même taille, ils instaureraient le principe d'égalité. Cela ne pourrait être que bénéfique aux espèces.

Cependant, sur le plan pratique, ils eurent nettement plus de difficultés : comment obliger des familles encrées depuis des générations à quitter leurs lieux de vie et leur annoncer qu'ils devaient déménager pour se retrouver sur un territoire à plusieurs milliers de kilomètres de chez eux ?

Certains se rebellèrent, des révoltes se créèrent, d'autres refusèrent catégoriquement de suivre le mouvement.

Alors même la Confrérie dût en venir aux mains pour les faire déplacer.

Les Frères étaient des guerriers, pas de doux et tendres Agneaux, alors cette démonstration de brutalité leur fit une réputation. À juste titre, toutefois. Ainsi, la population était prévenue qu'on ne désobéissait pas à la Confrérie. C'était un mal pour un bien, en quelque sorte.

Lors de la phase de transfert, il y eut cependant de nombreuses formes d'hostilité et de rébellion, surtout lorsque deux clans se croisaient et que celui qui partait apprenait que les autres allaient prendre sa place, ou inversement.

Ce fut longtemps après, lorsque Tunghlad fut scindée en différents – et pourtant si semblables – territoires, que la Confrérie constata enfin une nette diminution de la violence. Les murs épais de plusieurs mètres dissuadaient efficacement, de même que les gardes placés tous les cinquante mètres, bien en vue dans des tourelles.

Et si tout ce dont on avait besoin se trouvait à proximité, êtres vivants comme victuailles, plus personne n'avait de raison de sortir de son territoire, alors chacun restait sagement à l'intérieur des frontières. Et, si jamais exception, la personne qui traversait le territoire devait s'affranchir d'une somme exorbitante à chaque mur franchi et décliner expressément une raison valable à chaque frontière rencontrée, sans quoi... il ne passait pas. Et se faisait tuer. Et une boîte avec les restes était envoyée au chef du territoire.

Ce qui dissuadait efficacement quiconque de vouloir sortir de son propre territoire.

Les siècles passèrent et, tandis que les êtres étant presque immortels se renfermaient sur eux-mêmes, en maudissant intérieurement les Frères, mais ne cessant jamais – au grand jamais – de les craindre, alors que les autres, ceux d'une durée de vie plus courte, quant à eux, oublièrent.

Ainsi, ils oublièrent le passé. Oublièrent les carnages des guerres, les autres espèces. Même la raison de leur enfermement leur échappa.

Alors aujourd'hui, Humain grandit entouré des siens, heureux. Mais ignorant. Ignorant de ce qui se cache derrière les murs épais. Toutefois, l'avenir n'était pas perdu, la Confrérie était là.

Il restait encore de l'espoir. Un peu, du moins. 

Au Cœur des Flammes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant