Rookie Games [Yoonmin]

Chapitre 95 : Taehyung - 86%

Taehyung passa sa journée à chanter et enregistrer deux covers en studio. Quand il se sentait triste, il aimait trouver une chanson qui correspondait à son humeur et la laisser parler pour lui. Sur les réseaux, sa voix de velours lui avait permis de gagner un impressionnant nombre d'abonnés de manière fulgurante. Ses reprises en anglais et coréen avaient beaucoup plu, mais c'était sans conteste les quelques textes français qu'il avait choisis qui lui avaient apporté une telle popularité. Cette langue le fascinait autant qu'elle fascinait son public, et en plus de traduire en vidéo les paroles qu'il interprétait, il possédait un accent qui rendait fous ceux dont c'était la langue natale.

Aujourd'hui, il avait opté pour un morceau coréen, plus à l'aise avec sa langue d'origine qui reflétait au mieux ses émotions. Il en avait modifié quelques vers afin de lui offrir un nouveau souffle et de saisir de manière exacte la douleur qui lui compressait le cœur sans arrêt.

Taehyung avait craint de mourir, désormais il n'était plus certain de trouver ça effrayant. S'il périssait, il retrouverait Jungkook, le serrait dans ses bras, et ils s'amuseraient ensemble pour toujours, doués d'une jeunesse éternelle. Jamais Taehyung n'avait accepté de croire en un après. À présent en revanche, c'était devenu vital. Il décèderait puis ouvrirait les yeux dans un ailleurs aux airs de paradis, lui à qui on avait infligé tant de supplices, martyr de téléspectateurs diaboliques. Et son Kook-ah se tiendrait auprès de lui, attendant qu'il se réveille pour lui porter un coup d'oreiller qui signerait la déclaration de guerre de polochons. Ils se courraient après, ils glousseraient comme des idiots, ils se chatouilleraient, s'étreindraient, pleureraient de bonheur, et ils seraient heureux, si heureux !

La voix de Taehyung lui échappa quand lui échappa un sanglot à cette pensée. Il retrouverait un Jungkook souriant, un Jungkook que rien ni personne n'avait souillé, un Jungkook qui... un Jungkook qui lui avait pardonné.

Taehyung ouvrit le tiroir du meuble près de lui et, tandis que de plus belle il s'abandonnait aux larmes, il serra contre son cœur le morceau de papier qui contenait les dernières paroles de son meilleur ami. Il n'arrivait pas à s'empêcher de revoir son corps sans vie quitter la villa aux mains de ces barbares. Comme il se sentait mal depuis !

En soirée, abattu et éreinté par les quelques moments où il n'avait plus cherché à contrôler son chagrin, il retourna mollement aux dortoirs. Son ventre gargouilla, mais il n'avait pas faim, incapable d'ingérer le moindre aliment sans le vomir ensuite. Des jours que ça durait, et il ignorait jusqu'à quand il subirait cette tristesse qui lui labourait le cœur et l'estomac.

Taehyung ne se rendit à la cuisine qu'une fois le soir venu, alors qu'un appétissant fumet s'en échappait. Il n'avait pourtant à l'esprit que d'attraper une pomme et filer se coucher, épuisé. Or, quand il franchit la porte, il découvrit Jimin et Yoongi attablés en silence, les yeux rivés sur leur téléphone. Tous deux levèrent le regard en l'entendant entrer. Yoongi lui adressa un maigre sourire, Jimin demeura imperturbable, comme à son habitude. Taehyung se sentit aussitôt mal à l'aise.

Devant ses deux aînés se trouvaient plusieurs plats qui, tous, dégageaient une odeur savoureuse. Elle aurait presque pu mettre l'eau à la bouche du jeune homme, qui néanmoins éprouva la sensation que sa gorge se nouait et qu'il remontait dans son œsophage des relents acides.

« On t'attendait, affirma Yoongi en se levant, on a préparé ça pour toi.

— Et en quel honneur ? s'enquit Taehyung d'un ton surpris.

— Juste pour te faire manger un peu, répliqua Jimin. Ça fait des jours que t'as rien avalé.

— Et c'est toi qui dis ça ?

— Tu dois manger.

— J'ai pas faim.

— On s'est donné du mal, ajouta Yoongi, et Jimin compte manger avec nous.