— Lève les pieds.

Wraith se sentait comme un con, à piétiner de la sorte à tâtons, les bras en l'air pour ne pas se prendre un tronc dans les dents. Mais la joie communicative de sa femelle lui faisait apprécier ce moment. Il était bien.

— Ne tombe pas surtout, je ne pourrais pas te relever. Pas que tu sois gros, non, non, mais tu es lourd comme un taureau enceint de deux grosses vaches.

— C'est du muscle, railla-t-il, cachant son sourire.

— Oui. Voilà.

Wraith sentit qu'Indigo passait dans son dos, et il se retint d'entrouvrir les yeux, juste pour avoir un petit aperçu en avance. Rygam l'y poussa avec une force mentale qui le fit exploser le rire.

— Pourquoi tu rigoles, guerrier ?

— Rygam aime tes surprises, annonça-t-il alors que ce dernier protestait au même instant avec fougue.

Le démon détestait ça. Les surprises, ce n'était pas pour lui. Trop long. D'une pression sur les épaules, Indigo le fit légèrement pivoter, pour qu'il se trouve exactement dans le bon axe.

Des feuilles mortes craquèrent sous ses bottes lorsqu'elle s'écarta de quelques pas. Satisfaite, elle annonça :

— C'est bon, tu peux regarder.

Wraith ouvrit les yeux. Il resta stupéfait. Il avala sa salive plusieurs fois, les yeux brûlants.

Mea.

— J'ai eu l'autorisation de tout le monde, précisa-t-elle en voyant le choc se peindre sur sa gueule.

Devant lui, se dressait une petite maison en briques rouges.

De part et d'autre de la porte blanche, les rideaux des fenêtres diffusaient une lumière chaleureuse, qui lui donnait une furieuse envie de pénétrer à l'intérieur. Une chaise à bascule était posée sur une terrasse en bois clair, et le démon imagina sa femelle assise tranquillement dessus, un livre à la main, son ventre arrondi par la vie.

Rygam, les bras ballants au centre de son esprit, regardait à travers les yeux de son hôte, complètement immobile. Figé, insondable.

— J'ai pensé que ce serait bien d'avoir notre coin à nous, chuchota Indigo pour ne pas troubler le silence. Mais tu peux rester au Manoir, bien-sûr, si tu le souhaites. Il y a un souterrain qui relie la maison à votre QG de super-héros. Mais rien ne t'oblige à...

— Je t'aime, mea.

Les yeux rivés à cet endroit rien qu'à eux, Wraith sentit son cœur gonfler dans son torse. Qu'il défonce ses côtes, rien à foutre. Du coin de l'œil, il voyait le visage de son alter ego, rayonnant de bonheur.

Il tourna le visage dans sa direction. La beauté d'Indigo lui coupa le souffle une deuxième fois.

— Je veux être avec toi, Indigo. C'est un merveilleux cadeau, nous allons être bien ici.

— Tu n'as même pas vu l'intérieur, pouffa la jeune femme tandis qu'il encadrait son visage avec ses paumes.

— Je t'aime, dit-il en l'embrassant. Et je l'aime.

— Je t'aime aussi, Wraith. Viens, je vais te faire visiter !

La première chose que Wraith vit, en entrant à l'intérieur, ne fut pas le manteau de cheminée, la table à manger pour six personnes, le canapée recouvert d'un plaid à pompons ou les cadres accrochés aux murs.

Non. Rien de tout ça.

La première chose qui retint son attention, fut un panier en osier posé à même le sol dans un soin du salon. Un nœud rose entourait l'anse, tel une corbeille de bienvenue, dans laquelle on empilait des fruits ou des merdes du genre. Sauf que celui-ci contenait des pierres, brutes et pointues, de toutes les tailles. Une émotion particulière l'envahi, et Indigo suivit son regard.

— Pour réaliser tes sculptures, précisa-t-elle.

Une boule dans la gorge, il s'approcha pour en soupeser une.

— Je les ai récupérées prêt du Manoir lorsqu'il était encore en miettes.

— Merci beaucoup, mea. Je n'ai jamais eu de cadeau avant. Et voilà que tu m'offres une vie avec toi. Je te remercie. Tu ne le regretteras pas.

C'était un serment.

Presque avec déférence, le guerrier reposa la pierre avec les autres. Puis il s'approcha ensuite d'Indigo, et inclina la tête devant elle.

— C'est un honneur.

Muette, Indigo laissa parler ses yeux. Ils exprimeraient bien plus à Wraith que de simples mots.

Des cris firent tourner leur tête, et ils échangèrent un sourire complice avant de se diriger vers la fenêtre la plus proche. D'un doigt, Wraith écarta le rideau en velours beige.

Du haut de la tourelle, les Frères leur faisait des signes, s'époumonnant pour obtenir leur attention, les visages coupés par des grands sourires. La silhouette de Waive, deux étages plus bas, se découpait à travers la baie vitrée de sa chambre, immobile, seule.

Indigo piailla lorsque ses pieds décollèrent du sol. Elle toussota lorsqu'elle s'étouffa avec sa salive. Wraith l'avait chargée sur son épaule comme un sac de patates. Elle rit, les yeux pile à la hauteur du cul musclé de son compagnon.

— À moi de te faire visiter la chambre, défia Wraith.

Il ouvrit trois portes avant de trouver la bonne, et Indigo riait tellement qu'elle n'avait plus aucune force, à deux doigts de faire pipi dans sa culotte, ses abdos inexistants enflammés.

D'un geste, Wraith la fit basculer sur le matelas, la regardant rebondir mollement, debout au pied de leur nouveau lit. Lorsqu'il la recouvrit de son corps tel une bête gracieuse et sauvage, elle cessa de rire.

Le sourire affamé qui naquit sur son visage la fit frissonner, puis Indigo rendit les armes. Passant les bras autour de son large cou, elle posa ses lèvres contre celles de son démon.

La Confrérie, plus unie que jamais, faisait désormais partie de sa famille.

L'A-C mettrait du temps avant de se remettre de la perte de Raza. Lothaire reviendrait, lui-aussi, un jour. Les Chasseurs étaient une bande d'humains, les Frères n'en feraient qu'une bouchée. Le moment venu, ils seraient prêts.

En attendant, Wraith et Indigo découvrirent la chambre sous bien des angles, puis passèrent ainsi au crible chacune des pièces.

Très loin d'ici, Tunghlad les regardait avec une moue attendrie. Ce guerrier avait vécu beaucoup de choses, il méritait enfin le bonheur. Tout comme lui, cette walkyrie avait essuyé de nombreux coups de la vie. Elle aussi, méritait la paix. Ensemble, ils y parviendraient, elle n'en doutait pas une seconde.

Cependant, une autre créature l'inquiétait.

Ses sourcils se froncèrent en avisant un dragon roulé en boule au creux d'une montagne, douloureusement prostré au cœur des flammes.

FIN

Au Cœur des Flammes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant